Opéra de Vichy |
En 2021, l’inscription au patrimoine mondial de l’Unesco de onze villes
(dont Vichy) réunies sous l’égide du label « Grandes villes d’eaux
d’Europe » a permis de donner un nouvel élan inattendu à la nécessaire
confraternité entre les pays de notre continent. Preuve en est cette
année avec la venue dans la sous‑préfecture de l’Allier de l’Orchestre
philarmonique de Baden‑Baden : de quoi fêter le troisième anniversaire
de l’inscription à l’Unesco dans l’un des plus beaux opéras de France,
dont la décoration Art nouveau vaut à elle seule le détour, en dehors
des autres centres d’intérêt architecturaux disséminés dans toute la
ville.
Le concert est précédé d’une présentation de Martin Kubich (directeur de
l’Opéra de Vichy depuis 2017) et d’Arndt Joosten (directeur général de
la Philharmonie de Baden‑Baden) qui rappelle les grandes heures de
l’institution, notamment la venue en 1935 de Richard Strauss pour
diriger Salomé. Joosten rappelle l’esprit multiculturel qui
vivifie son orchestre, composé de plus de vingt nationalités
différentes, avant de présenter les œuvres tout au long de la soirée,
dans un français à l’accent exotique, mais parfaitement compréhensible.
C’est là une idée bienvenue, compte tenu de l’originalité admirable du
programme dévoilé en seconde partie.
Avant l’entracte, la Deuxième Symphonie (1877) de Brahms a
toutefois bien du mal à convaincre, tant elle pâtit de l’acoustique du
plateau de scène, au son globalement étouffé : sans l’apport d’un
dispositif de renvoi sonore, comme en bénéficie le Théâtre des
Champs‑Elysées à Paris, les musiciens peinent à dépasser la rampe. Il
faut tendre l’oreille pour apprécier les tempi tout en étagement et en
subtilité du chef permanent Heiko Mathias Förster. On s’habitue
toutefois peu à peu à cette particularité, mais c’est peu dire que la
salle n’a pas été conçue pour accueillir un orchestre sur scène.
Heiko Mathias Förster |
Après la pause, la présence de la soprano Angélique Boudeville vient
confirmer que l’acoustique favorise les voix : la jeune française n’a
pas à forcer pour faire valoir toute la grâce mêlée de mélancolie et de
fantastique de la chanson de Marietta, issue de l’opéra La Ville morte (1920) de Korngold, avant d’arracher des larmes dans la superbe chanson à la lune extraite de Rusalka (1901) de Dvorák. La diction en français est plus perfectible dans l’air des bijoux de Faust
(1859) de Gounod, mais la soprano compense ce désagrément par un
instrument velouté dans les graves et un sens des nuances
particulièrement décisif dans l’interprétation.
L’orchestre se montre plus convaincant dans le répertoire léger et
opératique de la seconde partie, avec des cordes plus pétillantes dans
la mise en valeur du crépitement attendu. Ainsi de l’Ouverture des Fées du Rhin (1864), qui fait valoir tout le talent d’orchestrateur d’Offenbach, ou de l’étonnante et festive Ouverture de l’opéra Le Départ (1898) d’Eugen d’Albert. Le concert se conclut avec le pastiche rococo de la Grande valse du méconnu ballet Les Ruses d’Amour
(1900) de Glazounov, d’une inspiration transparente toute française. De
quoi relier cette pièce à ce programme en grande partie franco-allemand
et logiquement dédié à l’amitié entre nos deux peuples.
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