La deuxième saison du mandat de Michel Orier, nouveau directeur du
Festival Radio France Occitanie Montpellier, bat son plein jusqu’au
20 juillet, avec pas moins de sept cents artistes et plus de cent
concerts dans toute la région. Parmi les nouveautés cette année, la
création de l’Académie d’été du Philharmonique de Radio France offre une
expérience pratique à une vingtaine de musiciens triés sur le volet,
lors de deux concerts d’exception. On retrouve précisément l’un d’eux
dirigé par John Eliot Gardiner, une des grandes baguettes de notre
temps, dont l’image a malheureusement été ternie l’an passé par une
colère violente vis‑à‑vis d’un chanteur, lors du Festival Berlioz à la
Côte-Saint-André. Pas superstitieux pour un sou, le chef britannique se
produit à nouveau sous les auspices du compositeur français, dont le nom
honore la salle principale du Corum de Montpellier. La grande salle de
deux mille places affiche complet pour l’occasion, malgré une
déperdition de quelques spectateurs au parterre, après l’entracte.
Le concert débute avec l’Ouverture de l’opéra romantique Obéron
(1826) de Weber, que Gardiner entonne avec des tempi très modérés et
sans vibrato. Ce parti pris est une constante tout au long de la soirée,
avec une volonté de contraste dans les passages verticaux, plus appuyés
et accélérés en comparaison. L’introduction lente du Weber apporte un
climat de délicatesse tout en transparence, en une volonté d’allégement
notable, avant que les ruptures des tuttis ne prennent peu à peu le
dessus.
Un même esprit domine dans le Premier Concerto pour piano (1801)
de Beethoven, où Gardiner et le soliste Piotr Anderszewski (né en 1969)
s’entendent à merveille pour fuir tout pathos, en tournant leur
inspiration vers Mozart et le XVIIIe siècle. Le piano millimétré du Polonais surprend dans l’Allegro con brio
initial à force d’attention à sculpter ses phrasés, en un mélange de
pudeur et de raideur parfaitement assumées. Les passages lents sont les
plus intéressants, tant les deux hommes font ressortir plusieurs
détails, en une vision qui reste toujours mesurée et cérébrale. En bis,
la Sarabande de la Première Partita de Bach poursuit la volonté d’épure, en une palette expressive comme murmurée, toujours délicate et subtile.
Après l’entracte, on retrouve les forces symphoniques du Philhar’ pour affronter les rudesses hautes en couleurs de la Deuxième Symphonie
(1873, révisée en 1880) de Tchaïkovski, plutôt rare au concert.
L’ouvrage est problématique quant à son surnom, « Petite Russie », qui
évoque l’Ukraine : la présentatrice de France Musique rappelle combien
cette appellation faisait déjà débat au XIXe siècle, en
dehors de la présence de thèmes ukrainiens dans la partition, aux
premier et quatrième mouvements. Quoi qu’il en soit, on se délecte d’un
ouvrage certes moins abouti que les trois dernières symphonies, mais qui
comporte quelques moments de bravoure aux rythmes étourdissants et
souvent irrésistibles. Gardiner lance le début majestueux en des tempi
vifs, souvent ralentis dans les fins de phrasé. Le geste du chef
britannique ne se pose pas de question dans les verticalités, souvent
cravachées et brutales, pour lesquelles on aurait aimé davantage de
respiration par endroit. Les rares passages lyriques semblent davantage
l’intéresser, notamment lors de l’Andantino marziale, quasi moderato,
comme en sourdine, en une exploration quasi analytique. On retrouve
certains tics de direction caractéristiques des chefs issus du baroque,
tel Hervé Niquet (voir notamment son récent concert consacré à la Deuxième Symphonie
de Benjamin Godard, à Rouen), mais en une volonté de contraste beaucoup
trop marquée ici. Les baisses de tension n’échappent pas à cette
lecture inégale due au chef, dans le Finale surtout. L’orchestre livre
quant à lui une interprétation exemplaire, sans que l’on parvienne à
identifier le moindre défaut de cohésion du côté des musiciens de
l’Académie, que Gardiner fait ostensiblement applaudir en fin de
représentation.
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