vendredi 27 juin 2014

« Petite messe solennelle » de Gioachino Rossini - Festival de Saint-Denis - 24/06/2014

Chaque mois de juin, les mélomanes avertis rejoignent l’ancienne nécropole royale pour assister au Festival de Saint-Denis. Dans l’éclat de ce site majestueux, un superbe quatuor vocal illumine la rare et enthousiasmante « Petite messe solennelle » de Rossini.

 

Pilier incontournable des manifestations musicales en Île-de-France, le Festival de Saint-Denis offre depuis quarante‑trois ans une programmation éclectique, de la musique religieuse aux brillantes symphonies, en passant par les concerts de musique de chambre et le festival Métis concomitant. Nous avions, voilà deux ans, assisté à un programme particulièrement original (1) dans l’écrin de la basilique royale, mêlant musiques actuelles et répertoire classique. Cette année encore, la programmation a choisi l’audace avec l’excellent trompettiste libanais Ibrahim Maalouf revisitant des chants du xiie siècle ou l’heureuse redécouverte d’un oratorio du compositeur totalement méconnu Michelangelo Falvetti.

Autre surprise avec le choix d’une œuvre religieuse de Gioachino Rossini (1792-1868), bien connu pour ses nombreux opéras (2), mais peu pour son Stabat Mater (1841) ou sa Petite messe solennelle (1864). Deux œuvres offertes sur le tard alors que le « Cygne de Pesaro » a officiellement annoncé un surprenant retrait de la composition à l’âge de 37 ans, se consacrant à une exubérante vie mondaine à Paris. Avec la Petite messe solennelle, Rossini s’éloigne de son style habituel, ébouriffant et virtuose, principalement dédié à la veine comique. Le grand maître italien choisit sans doute là d’assurer sa présence au paradis, sans perdre pour autant son humour – le titre de l’œuvre prêtant à sourire s’agissant d’une partition d’une durée de près de deux heures.

Un maelström de couleurs

Partition déroutante à plus d’un titre, la version avec orchestre alterne passages grandioses et intimistes, jamais avare d’effets saisissants tels ces superbes pianissimos après l’emphase initiale des cuivres. Rossini sait convoquer un maelström de couleurs finement différenciées qui s’appuient sur le chœur et les quatre solistes, mais aussi sur la présence inédite de deux harpes ou le long passage solo de l’harmonium. Le chef d’orchestre Ottavio Dantone, spécialiste du répertoire baroque, opte pour des tempi vifs parfaitement tenus par l’Orchestre de chambre de Paris et le superbe quatuor vocal ici réuni, et ce malgré deux défections de dernière minute.

Déjà présent voilà quelques jours dans le Stabat Mater de Dvořák donné dans cette même basilique, la basse Alexander Vinogradov fait l’étalage d’un timbre opulent, magnifié par une belle présence et une superbe projection. Autre recrue de dernière minute, l’alto Delphine Galou dont on a pu apprécier le sens du phrasé et la profondeur de son inspiration, notamment dans l’émouvante conclusion de l’œuvre. Petite voix, elle se laisse cependant parfois trop couvrir par ses différents collègues. Un problème que ne rencontre pas le chant éclatant de Julia Lezhneva. Grande technicienne, la soprano se joue aisément de toutes les difficultés pour imposer un timbre superbe, que l’on aimerait cependant un rien plus engagé dramatiquement.

Michael Spyres, façon baba cool

Aucun souci de ce côté pour le ténor Michael Spyres (3), qui « vit » la partition dès l’introduction orchestrale, sourire collé au visage, chantant constamment à demi-voix les parties confiées au chœur. Son aspect improbable, sorte de baba cool à la barbe longue et aux cheveux mi-longs à bouclettes, ne l’empêche pas de faire l’étalage de toute sa classe vocale, y compris dans un rôle moins lourd que ses partenaires. Aux côtés du toujours impeccable chœur Accentus, déjà applaudi récemment au Festival de l’Épau, c’est bien son visage qui restera dans nos mémoires. Celui de l’amoureux sincère d’une partition à réévaluer d’urgence.

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