C’est à une passionnante découverte que nous convie le festival baroque
de Sablé-sur-Sarthe, associé au Centre de musique de baroque de
Versailles (CMBV) et à l’Ensemble Il Caravaggio, autour de la figure
mystérieuse et méconnue de Mademoiselle Duval, dont même le prénom ne
nous est pas parvenu. Son unique ouvrage lyrique connu, l’opéra-ballet Les Génies ou les Caractères de l’Amour
(1736), eut pourtant les honneurs d’une création à l’Opéra de Paris,
avec l’accompagnement au clavecin de la compositrice, âgée entre 18 et
25 ans. Comme le rappelle le responsable éditorial du CMBV, Julien
Dubruque, lors de sa brillante conférence, Mademoiselle Duval bénéficie
de l’esprit d’ouverture et de risque propre à cette période – à l’instar
la même année de Joseph Bodin de Boismortier avec Les Voyages de l’Amour (voir l’enregistrement réalisé cette année),
mais aussi du «débutant» Jean-Philippe Rameau. Dans ce contexte
favorable, l’ouvrage rencontre un succès attesté par plusieurs comptes
rendus, sans parvenir à bénéficier d’une reprise ensuite. De manière
inexplicable, la compositrice disparaît ensuite des radars, sans que
l’on sache ce qu’elle est devenue après cette belle réussite, qui reste
aujourd’hui le deuxième ouvrage lyrique à avoir été composé par une
femme pour l’Opéra de Paris, après Céphale et Procris (1694) d’Elisabeth Jacquet de La Guerre.
Donné en une version réduite de moitié (soit 1 heure 40 de musique environ), Les Génies ou les Caractères de l’Amour
mettent en miroir les éléments avec quatre intrigues amoureuses en
autant d’entrées séparées, comme il se doit pour un opéra-ballet, autour
d’une musique de caractère très différenciée. Dès l’Ouverture, on est
saisi par la direction franche et énergique de Camille Delaforge, à la
tête de l’Ensemble Il Caravaggio, que l’on a pu découvrir tout récemment
avec un premier disque splendide. Le concert confirme ces bonnes
impressions, même si un déséquilibre est audible entre l’engagement
mesuré des premiers violons et celui plus mordant des graves. De manière
générale, Delaforge réussit mieux la verticalité des tutti que
l’accompagnement des solistes, parfois flottant. Rien d’indigne bien
sûr, mais c’est peut-être ce qui a manqué pour hisser ce concert au
niveau de celui de la veille.
Quoi qu’il en soit, la jeune chef a su se montrer à la hauteur de
l’événement, n’hésitant pas à mettre en avant à plusieurs reprises ses
flûtistes, particulièrement sollicités par la partition.
Quel plaisir, aussi, de retrouver la touchante Anna Reinhold, dont la
sensibilité délicate autant que la déclamation naturelle, sont un régal à
chaque intervention! La mezzo doit toutefois prendre garde à ne pas se
laisser couvrir par ses partenaires dans les quatuors (donnés en lieu et
place des chœurs), alors qu’elle montre par ailleurs des facilités de
projection lors des solos. Il est vrai que le tonitruant ténor Fabien
Hyon force par trop dans la vaillance, au détriment de l’équilibre
d’ensemble. Un péché de jeunesse qui s’explique par une facilité dans le
jeu dramatique, mal canalisée ici, mais aussi la volonté de compenser
quelques défaillances vocales. A ses côtés, un rien trop timide dans les
récitatifs, Jodie Devos montre davantage d’agilité dans la technique
vocale, au bénéfice d’airs rayonnants. Enfin, malgré quelques décalages
par rapport aux vifs tempi imposés par Camille Delaforge, Guilhem Worms
confirme tout le bien que l’on pense de lui (voir notamment son Basilio à
Tours en 2020)
autant dans la solidité de l’émission sur toute la tessiture que les
beaux graves bien projetés. Gageons qu’un enregistrement discographique,
que l’on espère mais dont le principe n’est pas acquis, saura gommer
les quelques imperfections de ce plateau vocal à l’élan juvénile.
Parce que la culture se conjugue sous plusieurs formes, il sera sujet ici de cinéma, de littérature, de musique, de spectacles vivants, selon l'inconstante fantaisie de son auteur
samedi 4 septembre 2021
Concert de l’Ensemble Il Caravaggio - Camille Delaforge - Festival de Sablé-sur-Sarthe - 28/08/2021
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