Spécialiste reconnu de la comédie musicale et de l’opérette, Christophe
Mirambeau défend ce répertoire depuis de nombreuses années, aussi bien
dans ses travaux musicologiques que sur scène (voir notamment Normandie de Paul Misraki).
On ne peut que se réjouir de son association avec l’ensemble Les
Frivolités Parisiennes, qui n’a pas son pareil pour faire vivre de son
énergie communicative cette musique piquante et enjouée, comme le prouve
ce spectacle dédié aux sulfureuses années parisiennes de Cole Porter
(1891-1964).
L’idée de Christophe Mirambeau consiste à sélectionner près de trente
chansons issues de différentes comédies musicales (sans se limiter à
celles écrites pendant la seule période parisienne), qui évoquent les
« années folles » de Porter avec force malice et sous-entendus. C’est
que Porter s’était fait une spécialité des textes à double sens, jouant
des allusions à l’actualité ou à sa vie privée, dont seuls les initiés
pouvaient démêler le sens caché (notamment le jeu de mot « top/bottom »
de la chanson « You’re a top »). Protégé par un mariage de façade, Cole
Porter mena, loin du regard de sa famille richissime, une vie parisienne
dissolue, dont se fait l’écho le spectacle avec une joyeuse bonne
humeur. C’est tout particulièrement la liaison avec le brillant
librettiste des Ballets russes Boris Kochno (voir l’hommage qui lui a
été rendu en 2001
au Palais Garnier), qui est mis au centre de l’attention en un
virevoltant ballet entre les chanteurs qui alternent les différents
rôles en fonction des tessitures convenant le mieux à leur voix. Le
niveau global homogène, sans être exceptionnel, donne beaucoup de
satisfactions, surtout côté féminin.
Aidés des danseurs qui revisitent les chorégraphies de l’époque, des extraits du savoureux Within the Quota
monté par les Ballets suédois aux classieuses revues façon Fred
Astaire, les interprètes s’en donnent à cœur joie pour le plus grand
bonheur du public, qui applaudit pratiquement toutes les chansons. On
est plus circonspect en revanche sur les qualités de metteur en scène de
Christophe Mirambeau, qui peine à animer le vaste plateau du Châtelet
par sa volonté d’une scénographie trop minimaliste, en hommage à l’art
abstrait des années 1920. Quelques modules géométriques aux couleurs
pastel rappellent Kandinsky ou Léger, tandis que l’inévitable grand
escalier donne un peu de volume à l’ensemble. Le spectacle reste
toutefois trop sage au niveau de sa direction d’acteur, engoncée dans
son évocation trop soucieuse de réalisme historique – de même que les
chorégraphies, un rien répétitives sur la durée.
Le spectacle reste néanmoins fort recommandable pour l’hommage sincère à
Cole Porter, dont Mirambeau ose montrer la double facette heureuse dans
les vernis d’apparat des salons et beaucoup moins dans l’intimité des
alcôves, en mal d’amour.
Parce que la culture se conjugue sous plusieurs formes, il sera sujet ici de cinéma, de littérature, de musique, de spectacles vivants, selon l'inconstante fantaisie de son auteur
dimanche 12 décembre 2021
« Cole Porter in Paris » par Christophe Mirambeau - Théâtre du Châtelet - 11/12/2021
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