Indispensable menu de fête dans les pays germaniques, Hansel et Gretel
(1893) d’Engelbert Humperdinck ne reste monté que plus épisodiquement
dans l’Hexagone. Cette fin d’année permet de découvrir deux adaptations
réalisées aux opéras de Dijon, pour piano à quatre mains, et à
Saint-Etienne pour un effectif de neuf musiciens (six cordes, deux
clarinettes et un cor), à chaque fois en réduisant l’ouvrage de moitié
par rapport à sa durée initiale. C’est cette dernière production,
imaginée par l’ensemble instrumental des Variétés lyriques, que l’on
retrouve au Grand Théâtre Massenet, après avoir tourné à Roanne et Vichy
à l’automne.
Disons-le tout net, cette adaptation ne restera pas dans les annales,
pour plusieurs raisons. Tout d’abord, il apparaît surprenant de vouloir
réduire aussi drastiquement un ouvrage pourtant joué dans sa totalité en
Allemagne, sans que des générations de jeunes gens aient eu à en
souffrir, bien au contraire. L’arrangement signé par Yann Stoffel et
Philippe Perrin, du collectif musical Lacroch’, composé d’anciens élèves
du Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris
(CNSMDP), sabre dans les parties orchestrales en réduisant des deux
tiers l’ouverture ou en supprimant purement et simplement le prélude,
ainsi que la pantomime conclusive de l’acte II : ces passages ne sont
pas seulement une merveille de poésie féerique, magnifiés par les
subtilités et le lyrisme orchestral de Humperdinck, ils constituent une
part importante du conte en évoquant le rapport des enfants à la nature,
représentée par une forêt aussi attirante qu’inquiétante. Enfin,
l’adaptation fait chanter le Marchand de sable par les deux parents en
coulisse, tandis que le rôle est interprété par un comédien en
pantomime, tout en supprimant le personnage de la Fée rosée, il est vrai
peu présent dans l’imaginaire des jeunes Français.
Face à ces nombreuses coupures répond un autre parti pris discutable,
celui de conserver un chant en allemand : on peut donc, en 2021, sabrer
de moitié une œuvre, mais ne pas s’autoriser à chanter en français ?
Rappelons que tous les ouvrages de cette période ont été créés en France
en des versions chantées dans la langue de Molière, et ce jusque dans
les années 1980. De nos jours, les Allemands continuent souvent
d’adopter la version dans la langue de Goethe, y compris dans les
grandes maisons d’opéra (voir par exemple la production récente de Mascarade
de Nielsen à Francfort). Dès lors, le spectacle a l’idée de recourir à
un narrateur pour expliquer au préalable le propos des scènes à venir. A
ce jeu-là, François Rollin fait valoir un sens de l’humour bienvenu,
mais ne pouvait-on associer des surtitres projetés en fond de scène ?
Cela aurait aidé grandement à la compréhension des moindres jeux de mots
et péripéties.
L’autre déception vient de l’interprétation tout juste correcte de
l’ensemble des Variétés lyriques, trop marmoréen dans les passages
apaisés et souffrant dans les parties enlevées (notamment un premier
violon trop effacé et un cor défaillant avec ses nombreux couacs). Fort
heureusement, la surprise vient du niveau global du chant, d’excellent
niveau. Malgré un timbre un peu terne, Ronan Debois compose un Peter
très solide, tandis que Jazmin Black-Grollemund donne plus encore de
conviction à sa Gertrud, grâce à son beau timbre cuivré. A leurs côtés,
Amélie Grillon (Hansel) et Alexandra Hewson (Gretel) s’emparent de leurs
rôles avec un panache certain, le tout avec une belle aisance
technique. On aime aussi la sorcière de Denis Mignien, d’une ivresse
sonore gourmande dans la projection parfaite. On a certes déjà entendu
sorcière plus farfelue dans son chant, mais ce parti pris « sérieux » se
défend tout à fait.
Dommage que la mise en scène du même Denis Mignien affiche par trop son
manque de moyens, réutilisant la maison de Hansel et Gretel pour figurer
celle de la sorcière avec des éclairages guère inventifs. Seule la
forêt de ballets apporte un élément bienvenu de fantaisie, mais c’est
trop peu pour donner de l’ampleur à ce spectacle beaucoup trop sage et
convenu sur la durée. On se consolera avec la suite de la saison
alléchante de l’Opéra de Saint-Etienne, qui après La Vierge de Massenet en octobre dernier, nous fera découvrir une autre rareté avec Lancelot de Victorin Joncières (1839-1903). A ne pas manquer !
Parce que la culture se conjugue sous plusieurs formes, il sera sujet ici de cinéma, de littérature, de musique, de spectacles vivants, selon l'inconstante fantaisie de son auteur
dimanche 19 décembre 2021
« Hansel et Gretel » d’Engelbert Humperdinck - Denis Mignien - Opéra de Saint-Etienne - 17/12/2021
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