Créée à Toulon voilà deux ans, la nouvelle production de Pelléas et Mélisande
produite par la Fondation Royaumont s’est lancée dans une vaste tournée
à travers l’Hexagone, avant de faire halte à l’Athénée pour six
représentations : il faut dire que le choix de la version piano-chant,
réalisée par le compositeur lui‑même, facilite l’accueil dans des salles
aux dimensions modestes. De quoi faire découvrir au plus grand nombre
le chef‑d’œuvre lyrique de Debussy, qu’il acheva en 1895, mais qu’il
retravailla sans cesse jusqu’à la création à l’Opéra-Comique sept ans
plus tard.
Proposer Pelléas et Mélisande dans une salle aussi intimiste que
celle de l’Athénée (500 places) a évidemment pour avantage premier de
donner au spectateur une proximité avec la scène, au plus près des
interprètes. C’est là un atout décisif pour pénétrer les subtilités de
ce huis‑clos irrespirable, et ce d’autant plus que l’allégement de
l’accompagnement musical, au seul piano, valorise plus encore la
concentration sur le texte. On découvre là une version plus théâtrale,
qui permet de se délecter des abîmes d’ambiguïté du livret, adapté de
l’ouvrage éponyme de Maeterlinck. Le poète symboliste belge n’a pas son
pareil pour donner un double sens à ces nombreuses allusions, volontiers
psychanalytiques avant l’heure – en laissant entrevoir, par exemple,
viol et inceste entre les lignes. Pratiquement oublié dans nos contrées,
Maeterlinck conserve de nos jours une certaine notoriété grâce aux
adaptations musicales qui l’ont honorées en son temps, du Pelléas de Debussy jusqu’à Ariane et Barbe‑Bleue (1907) de Dukas (où l’on retrouve précisément Mélisande dans un rôle
plus anecdotique). On peut toutefois apprécier cette histoire au premier
degré, sans se laisser enivrer par le symbolisme du livret, pour y voir
un amour platonique repoussé jusqu’à l’affirmation explosive entre les
deux tourtereaux, finalement fatale pour l’un et l’autre, sous l’œil
vengeur du mari trompé.
Marthe Davos et Jean-Christophe Lanièce |
Tout ce petit monde bénéficie de l’accompagnement narratif de Martin Surot au piano, tout de grâce et de légèreté féline, qui montre là son affinité avec ce répertoire, lui qui s’est notamment illustré par le passé dans un drame analogue (Katia Kabanová de Janácek). Son piano sert aussi d’élément de décor, dans la transposition contemporaine très sobre de Moshe Leiser et Patrice Caurier, en figurant la tour où Mélisande déploie ses cheveux vers l’élu de son coeur. Le couple franco-belge cherche à donner davantage de consistance aux caractères des personnages, insistant sur l’alcoolisme et la violence de Golaud ou la vieillesse pas si infirme d’Arkel. On aime également la variété des éclairages, qui sert le propos avec une modernité de ton jamais formelle, toujours au service des moindres péripéties du récit. On pourra bien entendu trouver proposition plus audacieuse, mais ce travail rigoureux impose tout du long une concentration tendue sur les interprètes, sans fioritures excessives.
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