Allan Clayton |
Dans le cadre des « Lundis musicaux à l’Athénée », l’ensemble Le Balcon
propose l’un des programmes les plus audacieux de la saison autour des
cinq cantiques composés par Benjamin Britten tout au long de sa
carrière, de 1947 à 1974. Rarement donnés (voir le dernier spectacle
parisien qui leur a été consacré, en 2015),
ces ouvrages intimistes, à mi‑chemin entre la mélodie et la cantate,
mettent en avant le goût inépuisable de Britten pour la poésie, qui
l’accompagna dès ses premières compositions, notamment les Quatre Chansons françaises pour soprano et orchestre écrites à seulement 15 ans, sur des poèmes d’Hugo et Verlaine.
Le spectacle invite dès le début à la concentration, lorsque la
récitante Harriet Walter rejoint la scène pour lire en anglais
(malheureusement sans sous‑titres) le poème ayant servi d’inspiration au
premier cantique, My Beloved is Mine and I am his (1947). La
soirée sera ainsi rythmée, entre poésies dévoilées par le ton clair de
Walter, puis chantées dans les adaptations réalisées par Britten. La
scène est légèrement éclairée, grâce aux quelques ampoules réparties
autour du piano placé au centre, du fait de son rôle omniprésent (hormis
dans le cinquième cantique, dont l’accompagnement est confié à la
harpe). Allan Clayton émerge de la pénombre pour nous régaler de ses
phrasés finement articulés, où chaque mot est ciselé au service du sens.
Déjà interprète du rôle‑titre de Peter Grimes à Garnier l’an passé,
le ténor britannique impressionne par sa souplesse dans les changements
de registre, se jouant des passages en force comme des réparties plus
apaisées avec une égale rondeur, hormis dans le suraigu un rien plus
charbonneux. Ca n’est là qu’un détail, tant Clayton apparait comme l’un
des meilleurs interprètes de notre temps dans ce répertoire, à juste
titre fêté en fin de représentation.
La suite du spectacle fait découvrir les cantiques dans l’ordre inverse
de leur composition, du cinquième au deuxième, afin de conclure la
soirée par le plus émouvant d’entre eux, dédié au quasi-sacrifice
d’Isaac par son père Abraham. Le Cantique V « The Death of Saint Narcissus »
(1974) fait initialement valoir une utilisation inattendue de la harpe
en accompagnement, avec des verticalités hautes en couleur parfaitement
rendues par Olivia Jageurs. Le Cantique IV « The Journey of the Magi »
(1971), plus classique, offre ensuite une mise en miroir fascinante des
trois voix entremêlées, la plupart du temps en homophonie. Plus sombre,
le Cantique III « Still falls the Rain » (1954) fait intervenir le cor dans les teintes graves et marmoréennes, aux côtés du piano. Mais c’est bien entendu le Cantique II « Abraham and Isaac »
(1951) qui reste dans les esprits avec sa construction émouvante en
arche, où les deux interprètes prennent Dieu pour témoin, avant que ce
dernier ne parle littéralement par leur bouche. Proche du sujet
expiatoire de Billy Budd, composé à la même période, ce cantique
donne à entendre la voix cristalline du contre‑ténor Christopher Lowrey,
dans le rôle de l’enfant (tenu à la création par Kathleen Ferrier). Au
piano, Julius Drake n’a pas son pareil pour nous plonger dans l’univers
expressif de ces petites pièces délicieuses, qui mériteraient de trouver
plus souvent le chemin de la scène.
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