Marzena Diakun |
En cette année célébrant le centième anniversaire de la mort de Gabriel
Fauré, les musiciens de l’Orchestre national de France lui rendent un
hommage pour le moins copieux, avec trois concerts très différents, à
même d’évoquer toutes les facettes de l’un des compositeurs français les
plus respectés en son temps. Le premier concert est dédié à sa musique
symphonique, en grande partie méconnue, du fait de sa réputation de
compositeur de salon, surtout en matière de mélodies et musique de
chambre. Le présent concert est présenté en partenariat avec les équipes
du Palazzetto Bru Zane, dans le cadre de son festival parisien annuel.
La soirée débute avec la Suite tirée de la musique de scène de Pelléas et Mélisande
(1898), qui fut commandée à Fauré pour une représentation du drame à
Londres. On y découvre l’une des partitions orchestrales les plus
raffinées du maître, qui évite soigneusement toute virtuosité pour nous
faire enivrer de mélodies fuyantes tour à tour enveloppantes et
vaporeuses, annonçant parfois celles de Debussy. La cheffe polonaise
Marzena Diakun (43 ans) a tendance à accentuer l’impression de
mélancolie aérienne, sans donner d’identification nette aux changements
d’atmosphère, volontiers éthérés dans cette interprétation.
Le tempérament plus affirmé d’Aurélienne Brauner (née en 1984) reste globalement dans cet esprit, en fouillant les détails de l’Elégie
(1901), l’un des premiers succès de son auteur, dans sa version
initiale pour violoncelle et piano (composée en 1880). L’accompagnement
allégé, aux tempi étirés, apporte une évocation plus sombre qu’à
l’accoutumée, en intégrant la violoncelliste dans le discours
d’ensemble, lui niant presque sa vocation de soliste. Un même état
d’esprit domine la Ballade (1881), dont s’empare Lucas Debargue
avec une gourmandise évitant tout spectaculaire, lui qui vient
d’enregistrer l’intégrale de la musique pour piano seul de Fauré, en
quatre disques. La curiosité vient de l’utilisation inattendue d’un
piano de trois mètres de long, disposant de 102 touches (au lieu des
88 habituelles) : de quoi permettre, selon le pianiste, d’exprimer toute
la richesse harmonique de Fauré, grâce aux touches supplémentaires dans
les aigus et les graves. On est surtout frappé par un mélange de
sonorités sombres et mates, à l’éclat globalement moins brillant.
Lucas Debargue |
La fin du concert fait découvrir un visage beaucoup plus enjoué et optimiste de Fauré, dans le style néoclassique alors en vogue à la fin de sa vie : la suite tirée de la musique de scène de Masques et Bergamasques (1919) évoque d’emblée Mozart par son ton allégé et bondissant, aux bois piquants, concluant ce tour d’horizon de l’un des maîtres les plus insaisissables de son temps.
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