Parmi les chefs‑d’œuvre de Monteverdi, les Vêpres de la Vierge
(1610) restent aujourd’hui éclipsées au concert par la place
prépondérante des œuvres dramatiques de celui qu’on considère comme l’un
des pères fondateurs de l’opéra, d’Orfeo (1609) au Couronnement de Poppée (1643). Pour autant, tout auditeur des Vêpres
ne peut qu’être émerveillé par l’ampleur des moyens déployés, entre
richesse des coloris (des cornets à bouquins aux sacqueboutes) et
entrecroisement stimulant des formes (solo, duo, chœurs, etc). Les
sources manquent pour comprendre comment ce corpus volontiers
hétéroclite a été formé, en donnant parfois l’impression d’une
compilation de pièces plus ou moins anciennes, probablement rassemblées
pour démontrer un savoir‑faire accompli, lorgnant en maints endroits
vers la pyrotechnie vocale de l’opéra naissant.
On sait pouvoir compter sur un spécialiste aussi reconnu que Leonardo
García Alarcón pour explorer les moindres recoins de cette partition, en
un mélange de ferveur et de vitalité enthousiasmantes, le tout basé sur
une foi chrétienne sincère et sans ostentation : la mise en valeur des
moindres inflexions musicales se fait toujours au service du sens,
tandis que plusieurs écrans répartis de chaque côté aident le public à
suivre le récit sans jamais avoir à déchiffrer la notice dans la
pénombre. Le début des Vêpres peut surprendre par ses tempi
enlevés, sa rythmique architecturée et sa propension à faire ressortir
les basses : le geste tout en contrastes du chef argentin trouve ainsi
une énergie aux résonances humaines, loin de toute pesanteur, tout en
profitant d’effets de spatialisation bienvenus (notamment la répartition
initiale des chœurs dans les travées). Cette idée sera plusieurs fois
mise en œuvre tout au long de la soirée, sans jamais paraître
excessive : quoi de plus logique que d’illustrer ainsi la joute des deux
séraphins ou des chants successifs en écho ?
Leonardo García Alarcón |
Avant de reprendre en bis le mouvement final (« Sicut erat in principio ») du Magnificat, Leonardo García Alarcón s’adresse malicieusement au public pour s’étonner d’avoir attendu vingt‑sept ans, depuis son arrivée en Europe, pour être invité à se produire dans le cadre magnifique de la basilique de Vézelay. On espère qu’il y reviendra très vite, pour continuer à faire vivre les trésors du répertoire baroque de toute son inspiration haute en couleurs.
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