Terminé en 1917 mais seulement créé en 1929 à Bruxelles, Le Joueur
fait partie des opéras de Prokofiev parmi les moins connus. L’une des
raisons en est précisément cette création tardive (à l’instar de L’Ange de feu, récemment
donné à Berlin et à Lyon) mais également un effectif pléthorique particulièrement
difficile à réunir. Prokofiev pousse même la difficulté en insérant un
opéra dans l’opéra à l’acte IV avec le récit truculent d’Alexeï, qui
l’emporte vingt fois de suite à la roulette du casino. Cette satire
tirée de l’ouvrage éponyme de Dostoïevski souffre malheureusement des
choix contestables de l’adaptation réalisée par le compositeur lui-même,
comme la longueur de l’ouvrage, mais également des duos redondants
entre Alexeï et Polina. Si on ne trouve pas trace ici de la virtuosité
et de l’emphase orchestrales de L’Ange de feu, les amateurs
d’orchestre seront tout de même à la fête tant celui-ci constitue une
voix à part entière qui développe une foison d’idées musicales, souvent
grotesques, vite interrompues pour passer aux suivantes. On notera enfin
que l’ouvrage laisse peu de place à l’expression lyrique, préférant un
parlé-chanté (d’où le choix, sans doute, de la version allemande de
l’ouvrage) en phase avec les opéras de son époque – ceux de Schreker
notamment.
L’Opéra de Francfort reprend la production élaborée par Harry Kupfer voilà quatre ans dans les mêmes lieux et déjà dirigée par Sebastian Weigle. Dans un ouvrage où l’absurdité des relations humaines atteint un niveau de férocité inouï, Kupfer transpose l’action dans un hôpital psychiatrique contemporain mais ne parvient pas réellement à exploiter cette idée intéressante. L’effet de contraste avec les personnages, tous vêtus de costumes de style art déco, ne fonctionne guère. Il reste le plaisir d’une scénographie parfaitement léchée qui s’appuie sur l’alignement interminable d’une suite de portes en fond de scène, surplombé de deux écrans vidéo rappelant les devantures alléchantes des salles de spectacle. Une mosaïque de photos de casinos de toutes les époques vient aussi épisodiquement rappeler l’intemporalité du propos de l’ouvrage, tandis qu’au centre de la scène trône une immense roulette multicolore: c’est là l’une des images fortes du spectacle, tout autant que l’inattendue et désopilante météorite en image vidéo, sensée illustrer la dérive de ces personnages au cœur de pierre. Kupfer ne convainc cependant qu’à moitié, ne parvenant pas à réaliser la satire mordante attendue.
Francfort parvient, une fois encore, à réunir un plateau vocal d’une remarquable homogénéité. C’est surtout l’incandescente Baboulenka de Hedwig Fassbender qui remporte les acclamations du public par l’intensité cassante et ironique de son interprétation, tandis que son aigu tendu sied parfaitement à ce rôle irrésistible. A ses côtés, Andreas Bauer (Le général) montre une basse généreuse, bien épaulé par un Youri Samoilov (Mr. Astley) à la diction appliquée. On regrettera l’absence de Sara Jakubiak (malade) dans le rôle de Polina, remplacée par une correcte Barbara Zechmeister dont on pourra seulement regretter le manque de puissance dans les graves. Elle forme cependant un couple assez dépareillé avec Frank van Aken (Alexeï), plus investi dramatiquement.
Une fois n’est pas coutume, on notera le peu d’affinités de Sebastian Weigle avec cet ouvrage de Prokofiev. Le chef allemand européanise par trop la partition, lissant les arêtes pour exalter les rares couleurs présentes. Si cette direction a pour avantage de ne pas couvrir les voix, on reste quelque peu sur sa faim tant les possibilités expressives et corrosives de l’ouvrage semblent sous-exploitées.
L’Opéra de Francfort reprend la production élaborée par Harry Kupfer voilà quatre ans dans les mêmes lieux et déjà dirigée par Sebastian Weigle. Dans un ouvrage où l’absurdité des relations humaines atteint un niveau de férocité inouï, Kupfer transpose l’action dans un hôpital psychiatrique contemporain mais ne parvient pas réellement à exploiter cette idée intéressante. L’effet de contraste avec les personnages, tous vêtus de costumes de style art déco, ne fonctionne guère. Il reste le plaisir d’une scénographie parfaitement léchée qui s’appuie sur l’alignement interminable d’une suite de portes en fond de scène, surplombé de deux écrans vidéo rappelant les devantures alléchantes des salles de spectacle. Une mosaïque de photos de casinos de toutes les époques vient aussi épisodiquement rappeler l’intemporalité du propos de l’ouvrage, tandis qu’au centre de la scène trône une immense roulette multicolore: c’est là l’une des images fortes du spectacle, tout autant que l’inattendue et désopilante météorite en image vidéo, sensée illustrer la dérive de ces personnages au cœur de pierre. Kupfer ne convainc cependant qu’à moitié, ne parvenant pas à réaliser la satire mordante attendue.
Francfort parvient, une fois encore, à réunir un plateau vocal d’une remarquable homogénéité. C’est surtout l’incandescente Baboulenka de Hedwig Fassbender qui remporte les acclamations du public par l’intensité cassante et ironique de son interprétation, tandis que son aigu tendu sied parfaitement à ce rôle irrésistible. A ses côtés, Andreas Bauer (Le général) montre une basse généreuse, bien épaulé par un Youri Samoilov (Mr. Astley) à la diction appliquée. On regrettera l’absence de Sara Jakubiak (malade) dans le rôle de Polina, remplacée par une correcte Barbara Zechmeister dont on pourra seulement regretter le manque de puissance dans les graves. Elle forme cependant un couple assez dépareillé avec Frank van Aken (Alexeï), plus investi dramatiquement.
Une fois n’est pas coutume, on notera le peu d’affinités de Sebastian Weigle avec cet ouvrage de Prokofiev. Le chef allemand européanise par trop la partition, lissant les arêtes pour exalter les rares couleurs présentes. Si cette direction a pour avantage de ne pas couvrir les voix, on reste quelque peu sur sa faim tant les possibilités expressives et corrosives de l’ouvrage semblent sous-exploitées.
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