Edgar Moreau |
Un seul être vous manque... et tout le programme est bouleversé: suite
au retrait de Bruno Philippe, souffrant, le festival de Colmar a dû se
démener pour pallier son absence. Avec Edgar Moreau (né en 1994), c’est
un remplaçant de luxe que l’on entend à nouveau, un peu plus d’une
semaine après son concert avec David Kadouch dans la petite salle du
Koïfhus. On ne s’en plaindra évidemment pas, tant le son généreux de
Moreau fait mouche à chaque intervention. Toujours est-il que son
association initiale avec Aurèle Marthan (né en 1986) peine à
convaincre, du fait d’options stylistiques opposées dans leur
interprétation des Variations (1802) sur un duo de La Flûte enchantée
de Mozart. Si Marthan se concentre sur une lecture narrative, Moreau
lui préfère un sens des couleurs éloquent, mais parfois au détriment de
la compréhension de l’architecture de l’œuvre. Les deux hommes ont ainsi
du mal à lier les différentes parties à l’œuvre dans ces Variations, se montrant plus à l’aise dans le lyrisme des Fantasiestücke
(1849) de Schumann. Moreau fait plus encore valoir l’épaisseur de ses
graves, souvent mis en avant dans les verticalités, tandis que les
passages apaisés, par contraste, laissent davantage de place à
l’expression.
Ekaterina Kornishina et Aurèle Marthan |
La Sonate pour flûte et piano (1957) de Poulenc nous fait
découvrir les attaques sûres de la flûtiste russe Ekaterina Kornishina,
tout autant que sa capacité à se saisir de cette musique sautillante et
piquante. Après un mouvement lent superbe, les deux interprètes se
jouent des ruptures pour mieux reprendre la conduite du discours
musical, même si l’on pourra regretter chez Kornishina un léger manque
de substance dans la puissance des aigus. La Fantaisie (1898) de
Fauré la montre plus à son aise dans la continuité mélodique fluide de
cette œuvre, admirablement portée par ses sonorités aériennes et
félines. Les trois comparses se joignent ensuite pour affronter les
difficultés du Trio pour clarinette, violoncelle et piano (1798)
de Beethoven, ici transcrit pour flûte. Après un début facétieux, on
retient surtout la course poursuite haletante entonnée par les solistes
qui s’affrontent avec brio. Au style plus analytique de Moreau s’oppose
celui de Kornishina et Marthan, plus lyriques. Le piano se fait
cristallin dans le mouvement lent, avec un sens de la respiration très à
propos, avant de reprendre des forces dans un Finale plus virtuose.
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