Evgeny Kissin et Vladimir Spivakov |
Dans le même esprit, Kissin a souhaité insister, dans son autobiographie Avant tout envers toi-même sois loyal (Le Passeur, 2018), sur la diversité de ses passions en dehors de son activité de soliste, tout particulièrement la littérature, la poésie ou la composition (dont un quatuor créé en 2016). Une richesse intérieure volontiers en contradiction avec l’image d’un artiste toujours un peu raide au moment des saluts initiaux au public et heureusement plus détendu en fin de concert. Que dire, aussi, de ses rictus envahissants lorsqu’il aborde les difficultés du Deuxième Concerto (1901) de Rachmaninov? Quoi qu’il en soit, c’est bien le résultat sonore qui compte et l’ovation debout qui conclut le concert (le concerto ayant curieusement été interprété en seconde partie) démontre que le public ne lui tient aucunement rigueur de ces aspects mineurs.
On retrouve le goût de Kissin pour un brio sonore assez prosaïque dans les forte, en contraste avec des passages apaisés plus élaborés, à la limite du maniérisme. Kissin impressionne par son sens de l’architecture, où chaque note est tenue et déliée avec une maîtrise admirable. Il surprend aussi en de nombreux endroits par des fins de phrasé ralenties et mystérieuses, en des pianissimi de rêve: de quoi ajouter un soupçon de densité et de mystère à ce concerto bien connu des mélomanes. On retrouve la même vision artistique – accélération des passages rapides, ralentissement en contraste des parties apaisées – dans les deux bis accordés en fin de concert, un Prélude de Rachmaninov et la Valse opus 64 n° 1 de Chopin.
En première partie de soirée, les irrésistibles délices mélodiques de la Deuxième symphonie (1908) avaient agi sur un auditoire visiblement ravi. On pourra bien entendu reprocher à Vladmir Spivakov une vision trop uniforme qui met sur le même plan sonore l’ensemble des groupes d’instruments: toujours est-il que sa lecture probe donne beaucoup de tenue à cette superbe symphonie, avec le concours du son plein et généreux de l’Orchestre philharmonique national de Russie. Née en 2003 pour défendre le grand répertoire symphonique, cette formation affiche un métier sur, même si l’on pourra regretter que l’acoustique des lieux favorise par trop les cordes. A l’instar du concerto, Spivakov fuit l’émotion pour privilégier une lecture objective et péremptoire, marquée par le peu de tension à l’œuvre au début de la symphonie ou par la jubilation absente du Finale. C’est dans le troisième mouvement qu’il se montre le plus à son aise, autour de superbes pages sautillantes.
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