lundi 8 octobre 2018

« Simon Boccanegra » de Giuseppe Verdi - Opéra de Marseille - 05/10/2018



Immense baryton italien à la carrière qu’on ne présente plus, Leo Nucci (76 ans) continue de s’illustrer sur les plus grandes scènes avec bonheur, imposant une longévité vocale qui force l’admiration (voir par exemple tout récemment à Vérone ou à Liège). Parallèlement, le vétéran poursuit une activité de metteur en scène entamée en 2013, lorsque Busseto lui demanda de prendre la suite de Lamberto Puggeli, tombé malade. Avec cinq mises en scène à son actif à ce jour, Nucci fait ses débuts en France avec cette production de Simon Boccanegra, créée l’an passé au Teatrio Municipale di Piacenza (Plaisance, au sud de Milan). Une nouvelle casquette très attendue puisque le baryton peut s’enorgueillir d’avoir chanté plus de deux cents fois le rôle-titre dans sa carrière, dont encore récemment à Parme.

Las, le metteur en scène en herbe déçoit très vite, tant ses intentions réduisent son travail à une simple mise en espace agrémentée de décors bien ficelés mais convenus, tandis que les éclairages très classiques n’apportent que peu de variations aux différents tableaux présentés. Les costumes d’époque splendides parachèvent cette vision qui nous ramène plus de soixante ans en arrière, à une époque où le théâtre n’avait pas sa place à l’opéra, autour de scénographies en carton-pâte et d’une direction d’acteur figée. Face à d’autres théâtres qui célèbrent chaque année les mises en scène modernes fondatrices (voir par exemple l’épure du Parsifal de 1957 repris chaque année à Mannheim), Leo Nucci assume ses choix et préfère une mise en scène qui s’efface devant les chanteurs. Soit. Mais n’est-il pas possible de trouver une voie médiane entre les excès de l’eurotrash et le conformisme mou ainsi affiché? S’agissant d’un livret aussi obscur et mal conçu que celui de Simon Boccanegra, le rôle du metteur en scène est d’aider le public à y voir plus clair, à comprendre les ressorts d’une action bien confuse. Rien ici ne participe de ce travail nécessaire. Quoi qu’il en soit, cette production a au moins pour mérite de présenter des tableaux bien différenciés et agréables visuellement, à même de saisir le climat général très sombre de cette ultime version de Simon Boccanegra (1881): de quoi expliquer l’accueil très chaleureux du public en fin de représentation, il est vrai conquis à juste titre par un plateau vocal d’excellente tenue.


Déjà acclamé ici-même dans Macbeth en 2016, Juan Jesús Rodriguez s’impose dans le rôle-titre au moyen de phrasés d’une noblesse éloquente, instillant des modulations émouvantes qui dénotent son attention au texte. Son timbre légèrement fatigué convient admirablement au rôle, achevant de composer une interprétation de grande classe. On espère revoir très vite ce baryton bien rare en France. A ses côtés, Nicolas Courjal impose un Fiesco admirable de noirceur, dont l’émission au léger vibrato bénéficie d’un timbre toujours aussi superbe. Olesya Golovneva n’est pas en reste dans son interprétation, autour d’un chant haut en couleurs mais qui manque parfois de tenue dans le suraigu. Plus décevant, Riccardo Massi montre quelques difficultés techniques dans les accélérations et quelques détimbrages malheureux. Il s’en sort néanmoins grâce à une belle présence sur scène, de même que le superlatif Paolo d’Alexandre Duhamel, qu’on aurait aimé entendre dans un rôle plus étoffé encore.


On mentionnera encore l’excellence du Chœur de l’Opéra de Marseille, très précis dans leurs différentes interventions, tandis que Paolo Arrivabeni conduit ses troupes avec une autorité naturelle confondante. Sa direction dramatique très à-propos reste constamment au plus près des intentions de l’ouvrage, dévoilant une myriade de détails dans l’harmonie plus fouillée du Verdi de la maturité. A l’instar du plateau vocal réuni, il est vivement applaudi par le chaleureux public de Marseille, très démonstratif.

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