Afin de célébrer le centenaire de la fin de la Première Guerre mondiale,
Versailles met à l’honneur deux ouvrages contemporains du baroque
triomphant: le Te Deum de Jean-Baptiste Lully (1632-1687) et la Missa Salisburgensis
de Heinrich Biber (1644-1704). Ce concert placé sous le patronage de la
Commission européenne sera repris de Prague à Rome, en passant par
Dresde. En première partie de soirée, le Te Deum (1677) fait
entendre un Lully davantage tourné vers l’expression de courts motifs
mélodiques et rythmiques, où les solistes se détachent dans les parties
plus apaisées. Luks séduit autant qu’il agace, respirant peu dans les
fins de phrases, comme à son habitude, ce qui est dommageable à l’esprit
éthéré de maints passages. Il convainc pleinement, en revanche, dans
les fulgurances excitantes et bienvenues en contraste.
Le chef tchèque est manifestement plus à son aise pour magnifier la figure méconnue de son compatriote Biber, poursuivant ainsi une reconnaissance entamée au disque dans les années 1980 par les plus grands chefs baroques (Reinhard Goebel, Ton Koopman ou Gustav Leonhardt par exemple): de quoi découvrir les chefs-d’œuvre du maître bohémien, des grandes messes jusqu’à l’intimisme émouvant des Sonates du Rosaire (1678). Composée à l’occasion du 1100e anniversaire de la fondation de l’archevêché de Salzbourg, la Missa Salisburgensis (1682) fait valoir un climat spectaculaire porté par les trompettes irradiantes, à même de symboliser la puissance du catholicisme face aux voisins protestants.
La chapelle royale de Versailles propose à nouveau cet ouvrage seulement deux ans après un premier concert confié aux mêmes interprètes, preuve s’il en est du succès grandissant de cette Messe. Il est vrai que le lieu se prête parfaitement à la spatialisation voulue par la répartition des effectifs colossaux de Biber: l’orchestre à cordes, les théorbes et les choristes des Pages du Centre de musique baroque de Versailles et du Collegium Vocale 1704 prennent place sur la scène face au chef, tandis que les autres interprètes se répondent à l’étage, du chœur d’enfants aux trompettes et timbales (par deux), sans compter le pupitre de vents! On comprend qu’un tel succès soit repris ici-même, à l’instar des autres raretés régulièrement promues par Versailles: à cet égard, on ne manquera pas Le Déluge universel de Falvetti proposé en juin prochain par Leonardo García Alarcón.
Si les chœurs se montrent quelque peu hésitants au début de la Messe, ils se rattrapent ensuite, bien aidés par la direction énergique de Václav Luks, qui met admirablement en valeur les oppositions entre les différents pupitres. Le chef tchèque se montre plus à son aise dans cet ouvrage, particulièrement dans les passages homophones ou les fugues bien maîtrisées. Il sait aussi s’apaiser dans les passages plus intimes qui mettent en avant les solistes du chœur, tous sollicités ici. Leur niveau homogène, sans briller, permet une bonne prestation globale, justement saluée en fin de représentation par un public venu en nombre.
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