Thomas Adès |
Régulièrement donné Outre-Manche, l’oratorio de Michael Tippett
(1905-1998) fait plus rarement son apparition dans nos contrées: on se
souvient ainsi d’un très beau concert donné en 2011
à la salle Pleyel avec les forces du Philharmonique de Radio France. Le
chef-d’œuvre de jeunesse de son auteur revient cette fois avec
l’Orchestre de Paris, qui le fait ainsi entrer à son répertoire. Si l’on
ne peut que saluer cette initiative, force est de constater qu’il
faudra encore fréquenter plus souvent cet ouvrage à l’avenir pour lui
rendre pleinement justice, tant son écriture rigoureuse nécessite une
parfaite mise en place avec un chœur à même de saisir les subtilités de
ces flots mouvants et poétiques. Contrairement au War Requiem de Britten écrit en 1962 à l’occasion de l’inauguration de la cathédrale de Coventry reconstruite, la composition d’Un fils de notre temps
trouve son origine en 1939 dans l’un des événements annonciateurs du
second conflit mondial, la tristement célèbre Nuit de Cristal et son
pogrom funeste.
Si Tippett emprunte son titre à la pièce éponyme du dramaturge hongrois Odön von Horváth, il n’en reprend aucun élément dramatique, préférant s’interroger sur l’impuissance individuelle face au déchaînement de l’ivresse collective, ignorante et aveugle dans sa déraison. Si le texte dû à Tippett lui-même n’est pas toujours d’une grande qualité d’écriture, c’est davantage la musique qui surprend par ses emprunts variés, portant les effluves évanescents chers à Delius en contraste avec les ruptures nombreuses à l’orchestre. Son écriture chorale l’éloigne de son contemporain Britten (pacifiste comme lui) pour le rapprocher des plus grands noms de la musique anglaise, d’Elgar à Vaughan Williams, sans parler des madrigaux élisabéthains, du jazz et plus encore de la musique chorale noire américaine (les fameux spirituals, souvent donnés à part). Les courts motifs mélodiques entremêlés sont parfois frustrants tant on aimerait les voir davantage développés: il n’en reste pas moins que la concentration et la ferveur de Tippett impressionnent tout du long, en un ton grave et sombre qui ose une lumière bienvenue dans l’ultime et intense spiritual, «Deep river».
On l’a dit plus haut, l’interprétation souffre de quelques approximations dues à la direction brouillonne de Thomas Adès (né en 1971), tandis que la qualité des quatre solistes réunis sauve l’ensemble. On se félicitera ainsi du choix de la soprano américaine Michelle Bradley, au timbre splendide porté par une émission souple et aérienne. A peine pourra-t-on lui reprocher un aigu un peu moins agile – un détail à ce niveau. Sarah Connolly a pour elle des phrasés d’une noblesse admirable, malheureusement un rien en retrait au niveau de la projection. Mark Padmore a encore de beaux restes de ce point de vue, sans parler de ses intentions dramatiques. Attention toutefois à ne pas aller vers des rôles trop lourds, tant l’émission apparaît de plus en plus instable. John Relyea assure bien sa partie quant à lui, autour de graves solides, même si l’on pourrait attendre davantage de couleurs ici et là.
En première partie de soirée, Thomas Adès confirme le goût anglais pour Berlioz en choisissant d’exhumer une ouverture de jeunesse qui n’avait plus été donnée par l’Orchestre de Paris depuis 1979 et... Colin Davis. L’Ouverture des Francs-Juges, composée en 1826, fait entendre un Berlioz à l’inspiration inégale, au souffle mélodique et lyrique puissant, tout en affirmant déjà un goût pour les effets orchestraux verticaux. On est bien davantage séduit par la légèreté minimaliste du Polaris (2010), «voyage pour orchestre» d’Adès dont les mélodies entrecroisées emportent l’auditoire par leur ton envoûtant et hypnotique. La spatialisation des cuivres en hauteur permet de bien saisir les oppositions avec les aigus principalement portés par les cordes et vents (notamment l’emploi de deux piccolos) sur la scène. Avec cette partition essentiellement tonale, Adès défend une musique classique accessible, à l’écriture orchestrale virtuose. La fusion des timbres et la rythmique font penser à John Adams, tandis que l’ostinato à la trompette évoque Aaron Copland, voire Charles Ives dans le chatoiement des couleurs.
Si Tippett emprunte son titre à la pièce éponyme du dramaturge hongrois Odön von Horváth, il n’en reprend aucun élément dramatique, préférant s’interroger sur l’impuissance individuelle face au déchaînement de l’ivresse collective, ignorante et aveugle dans sa déraison. Si le texte dû à Tippett lui-même n’est pas toujours d’une grande qualité d’écriture, c’est davantage la musique qui surprend par ses emprunts variés, portant les effluves évanescents chers à Delius en contraste avec les ruptures nombreuses à l’orchestre. Son écriture chorale l’éloigne de son contemporain Britten (pacifiste comme lui) pour le rapprocher des plus grands noms de la musique anglaise, d’Elgar à Vaughan Williams, sans parler des madrigaux élisabéthains, du jazz et plus encore de la musique chorale noire américaine (les fameux spirituals, souvent donnés à part). Les courts motifs mélodiques entremêlés sont parfois frustrants tant on aimerait les voir davantage développés: il n’en reste pas moins que la concentration et la ferveur de Tippett impressionnent tout du long, en un ton grave et sombre qui ose une lumière bienvenue dans l’ultime et intense spiritual, «Deep river».
On l’a dit plus haut, l’interprétation souffre de quelques approximations dues à la direction brouillonne de Thomas Adès (né en 1971), tandis que la qualité des quatre solistes réunis sauve l’ensemble. On se félicitera ainsi du choix de la soprano américaine Michelle Bradley, au timbre splendide porté par une émission souple et aérienne. A peine pourra-t-on lui reprocher un aigu un peu moins agile – un détail à ce niveau. Sarah Connolly a pour elle des phrasés d’une noblesse admirable, malheureusement un rien en retrait au niveau de la projection. Mark Padmore a encore de beaux restes de ce point de vue, sans parler de ses intentions dramatiques. Attention toutefois à ne pas aller vers des rôles trop lourds, tant l’émission apparaît de plus en plus instable. John Relyea assure bien sa partie quant à lui, autour de graves solides, même si l’on pourrait attendre davantage de couleurs ici et là.
En première partie de soirée, Thomas Adès confirme le goût anglais pour Berlioz en choisissant d’exhumer une ouverture de jeunesse qui n’avait plus été donnée par l’Orchestre de Paris depuis 1979 et... Colin Davis. L’Ouverture des Francs-Juges, composée en 1826, fait entendre un Berlioz à l’inspiration inégale, au souffle mélodique et lyrique puissant, tout en affirmant déjà un goût pour les effets orchestraux verticaux. On est bien davantage séduit par la légèreté minimaliste du Polaris (2010), «voyage pour orchestre» d’Adès dont les mélodies entrecroisées emportent l’auditoire par leur ton envoûtant et hypnotique. La spatialisation des cuivres en hauteur permet de bien saisir les oppositions avec les aigus principalement portés par les cordes et vents (notamment l’emploi de deux piccolos) sur la scène. Avec cette partition essentiellement tonale, Adès défend une musique classique accessible, à l’écriture orchestrale virtuose. La fusion des timbres et la rythmique font penser à John Adams, tandis que l’ostinato à la trompette évoque Aaron Copland, voire Charles Ives dans le chatoiement des couleurs.
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