Hervé Niquet |
L’Orchestre de l’Opéra de Rouen Normandie propose en ce printemps l’un
de ces programmes originaux, sur deux soirées, dont on aimerait que tous
les orchestres s’inspirent plus souvent. Le choix d’Hervé Niquet comme
chef invité n’y est sans doute pas étranger, tant on connait le goût du
Français pour le répertoire de la seconde moitié du XIXe siècle,
développé depuis plusieurs années avec les équipes du Palazzetto Bru
Zane. Ce que l’on ignorait, en revanche, c’est la proposition d’une
présentation pendant le concert de chaque œuvre au préalable par le chef
lui‑même : ceux qui connaissent son érudition, sa verve et son humour
peuvent imaginer le plaisir ressenti, donnant ainsi une image beaucoup
moins raide à ce répertoire sérieux. De quoi aider les nombreux enfants
et adolescents présents dans la salle à pénétrer les arcanes du
classique avec bonne humeur et malice, pour cette séance « famille » en
réalité identique, si ce n’est du point de vue tarifaire, au concert
donné la veille.
Le concert débute avec deux courtes œuvres faisant valoir une poésie délicate et apaisée, La Nuit et l’Amour (1888) de Holmès et Aux étoiles
(1874, révisé en 1911) de Duparc : deux raretés qui donnent envie de
découvrir plus avant les ouvrages de ces deux compositeurs trop
méconnus. De quoi chauffer idéalement l’orchestre, très affûté sous la
direction vive et féline d’Hervé Niquet, avant le morceau de choix
dévolu au Premier Concerto pour violoncelle (1873) de
Saint‑Saëns. Niquet s’efface en offrant un accompagnement au soutien
très chantant, moins porté sur l’énergie rythmique que sa manière
habituelle. On retrouve pour l’occasion l’excellent soliste Edgar Moreau
(né en 1994), au son profond et entier, qui porte le discours
d’ensemble d’un ton souverain et sans ostentation, rappelant à maintes
reprises la noblesse d’âme d’un Pierre Fournier. En bis, il reste sur
les mêmes cimes, avec la Sarabande de la Troisième Suite de Bach.
La soirée, sans entracte, se poursuit avec la rarissime Deuxième Symphonie (1879) de Godard, que David Reiland avait popularisée en un très beau disque paru en 2016 chez CPO.
A l’inverse du chef belge, Hervé Niquet empoigne ses troupes d’une
énergie roborative dans les verticalités, pour mieux s’apaiser dans les
passages délicats. De quoi donner un relief à même de faire ressortir
les contrastes de cette symphonie au ton volontiers spectaculaire, là où
la précédente, la superbe et savante Symphonie Gothique, faisait
davantage valoir les qualités de mélodiste de Godard. Une belle
redécouverte, qui nous fait regretter de ne pas pouvoir bénéficier d’un
enregistrement de la version rouennaise : à moins que le Palazzetto Bru
Zane et Hervé Niquet ne décident de s’intéresser à nouveau à Godard ? On
ne pourrait guère s’en plaindre...
En attendant, le répertoire français va continuer à être à l’honneur à
l’Opéra de Rouen lors de la prochaine saison, qui vient tout juste
d’être dévoilée : en dehors du passionnant concert de Pierre Dumoussaud,
donné les 19 et 22 décembre (pour un copieux programme Duparc,
Massenet, Bizet, Debussy et Bonis), la musique de Francis Poulenc y sera
notamment mise en avant tout au long de la saison, avec le Concerto champêtre, la suite des Biches ou le chef‑d’œuvre lyrique Dialogues des carmélites. Immanquable !
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