A l’instar de Verdi, Hector Berlioz achève sa carrière lyrique par un
opéra‑comique inspiré de Shakespeare, le ravissant et piquant Béatrice et Bénédict (1862). L’adaptation de la comédie Beaucoup de bruit pour rien
(1600) simplifie l’intrigue en centrant l’action sur les rôles‑titres,
dont les atermoiements amoureux constituent le principal ressort
dramatique, laissant quelque peu de côté l’autre couple formé par Héro
et Claudio : cette modification substantielle a pour conséquence
d’opposer frontalement les deux couples, dont l’un évoque la
sophistication inutilement alambiquée de « l’état de culture » (incluant
l’influence de la société), par contraste avec la simplicité et l’élan
naturel de leur double inversé, dont l’attirance sans histoire
s’apparente à « l’état de nature ».
Pour illustrer ces deux trajectoires avec force, le metteur en scène
Damiano Michieletto donne à voir d’emblée un vaste studio
d’enregistrement, d’un blanc immaculé et glacial, seulement animé par
une forêt de micros agités par le chœur : cette froideur initiale est
troublée par l’irruption impromptue d’un singe, comme une mouche du
coche dans ce jeu bien ordonné. Le dévoilement ultérieur d’une jungle
luxuriante, où deux comédiens nus évoluent comme Adam et Eve, montre
combien l’absence de pression sociale pourrait aider Béatrice et
Bénédict à gagner en sérénité pour assumer publiquement leur amour,
finalement irrépressible. Si l’idée séduit au niveau visuel (splendide
scénographie magnifiée par les éclairages), elle peine toutefois à
convaincre en première partie, du fait d’une incapacité à illustrer les
complots ourdis par Don Pedro et ses complices, très secondaires dans
cette optique, tandis que les aspects comiques dévolus à Somarone
sonnent singulièrement faux.
Les Chœurs de l’Opéra de Lyon se montrent parfois un peu brouillons dans la précision des attaques, sous la battue il est vrai trop rapide de Johannes Debus (né en 1974) dans les parties verticales. A l’inverse, le chef allemand ralentit ostentatoirement les tempi des passages plus apaisés, ce qui déroute à maints endroits. C’est d’autant plus regrettable que l’Orchestre de l’Opéra de Lyon montre toute son affinité avec cette partition délicieuse, tout particulièrement par le raffinement des bois, très évocateurs ici.
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