Christophe Rousset |
Il aurait été impensable qu’un communicant de la trempe de Laurent
Brunner, directeur de l’Opéra de Versailles depuis sa réouverture
en 2007, ne célèbre comme il se doit l’organisation des jeux Olympiques
en France – et ce d’autant plus que plusieurs manifestations sont
prévues dans le parc du château, des sports équestres au pentathlon
moderne. Le choix de L’Olimpiade, sur un livret de Métastase,
s’est donc vite imposé comme incontournable dans ce contexte : mais
quelle adaptation préférer, parmi les quelque soixante composées
entre 1733 et 1817 ? Si le Théâtre des Champs‑Elysées s’est tourné vers
Vivaldi pour l’une des dernières productions scéniques de sa saison,
l’Opéra de Versailles s’est intéressé à la version plus méconnue de
Domenico Cimarosa (1749‑1801). Composé en 1784, cet opera seria fait découvrir un visage différent du Napolitain, plus connu pour ses chefs‑d’œuvre comiques, tels que Le Mariage secret ou L’Italienne à Londres (voir la production créée à Francfort en 2021 et reprise en ce printemps).
Château de Versailles Spectacles a aussi eu la bonne idée de faire
enregistrer au préalable, avec les mêmes interprètes que le présent
concert, un coffret de deux disques sorti simultanément, permettant
ainsi de faire découvrir au plus grand nombre ce petit bijou dans les
meilleures conditions possibles, compte tenu de l’excellence des talents
réunis : la production vénitienne d’Andrea Marcon, célébrant le
bicentenaire de la mort de Cimarosa en 2001, n’avait malheureusement pas
eu cette chance. Quoi qu’il en soit, ce retour attendu permet de se
régaler de la virtuosité et de l’imagination mélodique quasi
inépuisables de Cimarosa, qui offre à ses rôles principaux (Clistene,
Aristea et Megacle) des parties d’une difficulté vocale haute en
couleur, particulièrement pour les vocalises féminines. Le livret adapté
en 1784 recentre en effet l’histoire sur les tribulations amoureuses
des personnages principaux, comme l’explique la passionnante notice du
musicologue Alessandro Di Profio, rédigée pour l’album. De quoi
permettre une simplification des enjeux, tout en réduisant drastiquement
la place des récitatifs, assez brefs et plus ornés (notamment par les
vents).
Dirigeant du pianoforte, Christophe Rousset anime la partition de ses
tempi vifs et admirablement articulés dans les verticalités, d’une belle
urgence rythmique, faisant valoir davantage de respiration dans les
parties apaisées. Comme à son habitude, il réunit autour de lui un
plateau vocal de toute beauté, mené par la prima donna Rocío Pérez
(Aristea), aux vocalises et aux aigus rayonnants de facilité. La soprano
espagnole possède un tempérament dramatique éloquent qui la place à
l’égal de sa compatriote Maite Beaumont (Megacle), dont on connaît les
éminentes qualités en ce domaine. Beaumont nous régale de ses phrasés
d’une rare intelligence, à l’instar de la vénéneuse Marie Lys (Argene),
aux intentions mordantes. On aime aussi la Licida de Mathilde
Ortscheidt, dont les graves chaleureux et pulpeux font oublier une
émission plus rétrécie dans l’aigu. La petite voix d’Alex Banfield
(Aminta) manque certes de puissance, mais déploie des trésors de
raffinement, tandis que Josh Lovell (Clistene) donne davantage de pur
plaisir vocal, du fait de sa projection insolente et de son articulation
claire. La beauté du timbre et l’aisance technique ne font pas oublier
une interprétation un rien extérieure par endroits, seul domaine où le
ténor canadien a encore une marge de progression.
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