samedi 25 avril 2015

Concert de l'Orchestre philharmonique de Radio France - Auditorium de la Maison de la Radio - 24/04/2015

Mikko Franck
Départs de congés scolaires et quais de Seine fermés pour protéger l’Ambassade de Turquie auront fait manquer à de nombreux spectateurs le début de ce concert intégralement consacré à Sibelius. Des vicissitudes que le site internet de France Musique permet rapidement d’oublier, l’intégralité du concert étant d’ores et déjà en ligne suite à sa captation en direct. Mikko Franck ouvre ce programme par le Nocturne en majeur, premier mouvement de la Suite de la musique de scène Le Roi Christian II publiée en 1898. Sibelius y laisse transpirer un lyrisme principalement dédié aux cordes, que le chef ne cherche pas à étouffer, offrant une belle respiration à ce bref mouvement.

La soirée se poursuit avec le Concerto pour violon (1905), un des tubes du répertoire souvent entendu en concert – contrairement à l’œuvre précédente. Déjà entendue en octobre dernier (dans le Concerto pour violon n° 1 de Szymanowski, toujours avec le Philharmonique), c’est Baiba Skride (née en 1981) qui officie ce soir, remplaçant au pied levé Alina Pogostkina, absente pour cause d’heureux événement. Le début de l’Allegro moderato se nimbe d’une aura de mystère, les cordes murmurant les premières notes en une lecture analytique, assez lente. Cette optique se poursuit tout du long, Franck privilégiant un accompagnement doux avec la violoniste, plus rude lorsque l’orchestre rugit seul lors des tutti aux accents verticaux. Les contrechants apparaissent plus affirmés, niant les dialogues entre instruments au profit d’une affirmation individuelle nette des différents pupitres. Toute l’éloquence narrative de Sibelius est gommée pour mieux faire ressortir les détails de la partition, le violon solo ne prenant jamais le dessus. La violoniste lettone soupèse chaque note, ne prenant que peu de risques techniques – ce qui ne l’empêche pas de montrer certains limites dans l’aigu, à la limite de la justesse.


Le deuxième mouvement (Adagio di molto) la montre plus à son aise, bien aidée il est vrai par le velouté de cors enveloppants et du rythme aussi métronomique qu’obsédant des cordes. Mikko Franck se tourne souvent vers elle, construisant ses crescendos avec une lenteur toujours aussi patiemment sculptée, impressionnante de précision à l’orchestre. Un régal de chaque instant tant le chef nous surprend par sa capacité à renouveler l’écoute de cette œuvre. Le dernier mouvement (Allegro ma non tanto) poursuit dans cette veine avec une scansion aux allures chambristes, régime minceur qui insiste sur la rythmique presque mécanique des cordes, avant un tutti puissant en contraste qui illustre la capacité de Mikko Franck à lâcher la bride dès lors qu’il en a décidé ainsi. Baiba Skride semble elle-même davantage dans l’extraversion, avant de retrouver un certain apaisement dans le bis donné en complément – le sempiternel Andante de la Deuxième Sonate de Bach.


Retour à un Sibelius plus juvénile et rayonnant avec le poème symphonique En Saga (1892, révisé en 1902). D’emblée, Franck joue sur les textures avec des cordes soyeuses, tandis que le respect des nuances et l’exacerbation des contrastes piano/forte rappellent la manière de Bruckner. Une lecture déroutante qui offre un visage moderniste inattendu à Sibelius, la mélodie principale étant constamment niée au profit des contrechants tandis que la rythmique est mise en valeur. La dette évidente de l’œuvre à la Shéhérazade de Rimski-Korsakov apparaît ici gommée pour tourner Sibelius vers un langage que n’aurait pas renié le Revueltas de La Nuit des Mayas.


Le concert se conclut avec l’une des toutes dernières œuvres symphoniques de Sibelius, sa Septième Symphonie (1924). Mikko Franck poursuit dans sa veine séquentielle et sa lenteur architecturée (toujours marquée par les tutti en contraste, particulièrement les cuivres) autour d’une réduction chambriste qui déçoit ici. Pourquoi dégraisser une musique déjà voulue par Sibelius comme telle? A faire subir un régime minceur à ce Sibelius-là, on ne lui laisse que la peau sur les os. Une lecture toujours aussi impressionnante de mise en place, mais bien sèche et terre à terre, loin de l’optimisme serein porté par cette œuvre. Mikko Franck aurait sans doute intérêt à se tourner vers des œuvres plus lyriques, à l’orchestration plus riche, marquées du sceau de l’influence de Tchaïkovski – comme le sont les deux premières symphonies.

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