En dehors de son chef d’œuvre Rusalka largement représenté sur les plus grandes scènes européennes (et en ce moment même à Paris),
point de salut pour les autres œuvres lyriques de Dvorák en dehors de
son pays natal. Des livrets de qualité inférieure expliquent la mise à
l’écart de ces ouvrages pourtant dignes de l’imagination mélodique
irrésistible du célèbre compositeur tchèque. Fort heureusement, l’Opéra
de Prague défend admirablement son patrimoine national en inscrivant à
son répertoire les autres joyaux que sont Le Diable et Catherine (1899) ou Le Jacobin (1889). C’est précisément cette œuvre contemporaine de la Huitième Symphonie,
composée avant la période américaine, que l’on a pu découvrir dans la
mise en scène de Jirí Herman – décidément incontournable à Prague
puisqu’on pouvait au même moment se délecter de son travail dans une
autre production très réussie, celle de La Chute d’Arkona de Fibich.
Quatre ans séparent ces deux mises en scène, permettant de mesurer tous
les progrès accomplis par Jirí Herman depuis 2011. C’est
particulièrement notable dans la première partie du Jacobin, qui
survalorise les aspects bouffes en multipliant les interventions du
chœur et des danseurs – un tourbillon d’énergie souvent jubilatoire,
mais parfois proche de la gesticulation. Il n’en reste pas moins qu’on
ne s’ennuie jamais lors de ce spectacle survitaminé, la transposition de
l’action en une classe d’école apportant un côté potache et bon enfant,
idéal pour le jeune public très présent dans la salle. L’imagination
débridée de Herman permet de passer outre la multiplication des
personnages, sans réel «vedette» (neuf au total, le Jacobin n’ayant
finalement qu’un rôle assez secondaire), ainsi que le mélange étonnant
de comique et de sérieux. Il faut dire que Dvorák lui-même compense les
faiblesses dramatiques du livret par sa capacité à soutenir constamment
l’attention – l’alternance des airs, ensembles et chœurs apportant un
rythme et une variété aussi admirables qu’inépuisables.
Le plateau vocal réuni se montre d’une homogénéité sans failles, dominé
par l’irrésistible brio vocal d’Alzběta Polácková (Terinka) ou par le
désopilant Luděk Vele (Filip). On notera également la belle prestance de
Jakub Kettner (Bohus), tandis que Jan Markvart offre à son Benda un
raffinement bienvenu qui fait oublier son timbre un peu fatigué. Enfin,
la direction vive et pétillante de David Svec fait merveille, bien
épaulé par un orchestre sans failles et des chœurs superlatifs – à
l’instar des autres spectacles vus à Prague. Une réussite d’ensemble
d’autant plus à souligner qu’il s’agit ici d’un spectacle donné une fois
par mois par des interprètes différents, dans le cadre de l’alternance
du répertoire pratiquée à Prague (à la façon des théâtres allemands).
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire