Jonas Kaufmann |
Ambiance électrique hier soir au Théâtre des Champs-Elysées, à la mesure
de l’attente créée par l’un des concerts lyriques parisiens les plus
courus de la saison: Andrea Chénier et son trio vocal de rêve
mené par la star Jonas Kaufmann. Dans une chaleur suffocante, la salle
archicomble bruisse des nombreux commentaires d’avant-concert où l’on
s’étonne, par exemple, d’assister à une version de concert à Paris quand
Munich, avec un même plateau vocal, a droit à la mise en scène de
Philipp Stölz jusqu’en juillet prochain. Pour autant, la surprise vient
de la mise en espace proposée, simple et efficace, où les chanteurs se
prêtent à un jeu interprétatif sans partition devant eux. Sans qu’il
soit possible de déceler les libertés prises avec la scène munichoise,
ce choix aide grandement à rendre plus crédible l’action, évitant par
ailleurs l’effet visuel fastidieux d’une brochette de chanteurs tous
alignés devant leur pupitre. Ici, les interprètes vont et viennent au
gré de leurs interventions, retournant en coulisse une fois leur prestation
achevée: vu le nombre considérable de rôles différents en présence dans
cet opéra, c’est là un atout non négligeable.
On touche précisément à l’une des grandes réussites de cette production avec le soin apporté aux moindres seconds rôles, tous distribués idéalement. Les amateurs découvrant l’ouvrage de Giordano pourront en effet être surpris qu’un opéra aussi bref (environ deux heures) enchaîne autant de scènes courtes, brossant à travers ses quatre actes des tableaux de caractère très différents dans l’espace et le temps. En dehors du trio principal qui sert la continuité dramatique de l’histoire, c’est là l’occasion de découvrir une palette de personnages truculents dont on pourra noter, ici, une interprétation généreusement extravertie pour les chanteurs parfaitement italophones. On pense par exemple à l’impayable Comtesse de Doris Soffel dont le timbre dur renforce plus encore la vigueur de son tempérament cassant, mais aussi à la ravissante J’nai Bridges, Bersi impressionnante de rondeur. A ses côtés, Elena Zilio reçoit une ovation en fin de représentation pour son incarnation sensible de Madelon, tandis que Tim Kuypers (Mathieu) et Anatoli Sivko (Schmidt et le majordome) se distinguent par leur articulation et leur projection idéales.
On touche précisément à l’une des grandes réussites de cette production avec le soin apporté aux moindres seconds rôles, tous distribués idéalement. Les amateurs découvrant l’ouvrage de Giordano pourront en effet être surpris qu’un opéra aussi bref (environ deux heures) enchaîne autant de scènes courtes, brossant à travers ses quatre actes des tableaux de caractère très différents dans l’espace et le temps. En dehors du trio principal qui sert la continuité dramatique de l’histoire, c’est là l’occasion de découvrir une palette de personnages truculents dont on pourra noter, ici, une interprétation généreusement extravertie pour les chanteurs parfaitement italophones. On pense par exemple à l’impayable Comtesse de Doris Soffel dont le timbre dur renforce plus encore la vigueur de son tempérament cassant, mais aussi à la ravissante J’nai Bridges, Bersi impressionnante de rondeur. A ses côtés, Elena Zilio reçoit une ovation en fin de représentation pour son incarnation sensible de Madelon, tandis que Tim Kuypers (Mathieu) et Anatoli Sivko (Schmidt et le majordome) se distinguent par leur articulation et leur projection idéales.
Anja Harteros |
Entendu voilà deux ans dans La traviata
parisienne réglée par Benoît Jacquot, Luca Salsi s’impose comme une des
grandes satisfactions de la soirée. Sa puissance et sa diction précise
lui permettent de passer de la morgue initiale aux remords humanistes
avec une sincérité désarmante, sous les vivats mérités d’un public
conquis. On pourra pester suite au duo trop court du troisième acte avec
Madeleine de Coigny – contrairement à ce que fera Puccini quatre plus
tard dans Tosca – mais ce reproche s’adresse évidemment au bon
faiseur Giordano. Tout aussi applaudie, Anja Harteros compose une
vibrante Maddalena de Coigny, aux aigus rayonnants et impériale de
souplesse dans la ligne. Comme à l’habitude, c’est en plein chant que
Harteros se montre à son meilleur, en comparaison des parlando du
premier acte plus en retrait – un détail à un tel niveau interprétatif.
On pourra aussi remarquer quelques infimes faiblesses chez Jonas
Kaufmann dans le rôle-titre, à l’émission un rien prudente en début
d’opéra ou au timbre moins pur qu’à l’habitude par endroits. Son art
interprétatif laisse cependant toujours aussi pantois, servi par une
émission de velours, une variété de couleurs et de nuances, partout
acclamées. Seul son duo conclusif avec Harteros laisse entrevoir une
puissance moindre, peu aidée il est vrai par les élans dantesques du
chef Omer Meir Wellber (né en 1981).
A rebours de ses débuts parisiens en 2011, le chef israélien laisse en effet éclater tout son tempérament fougueux au bénéfice d’un geste expressif et enthousiaste. Pour autant, on se lasse vite de cette optique fortissimo qui couvre trop souvent les chanteurs pour imposer une vision uniforme en technicolor. Péché de jeunesse, Wellber a surtout manifestement omis de s’interroger sur l’acoustique périlleuse du Théâtre des Champs-Elysées, dès lors que l’orchestre se trouve sur la scène en lieu et place de la fosse. On se réjouira en revanche de l’excellence du Chœur de l’Opéra d’Etat bavarois, admirable de précision et de cohésion dans chacune de ses interventions.
A rebours de ses débuts parisiens en 2011, le chef israélien laisse en effet éclater tout son tempérament fougueux au bénéfice d’un geste expressif et enthousiaste. Pour autant, on se lasse vite de cette optique fortissimo qui couvre trop souvent les chanteurs pour imposer une vision uniforme en technicolor. Péché de jeunesse, Wellber a surtout manifestement omis de s’interroger sur l’acoustique périlleuse du Théâtre des Champs-Elysées, dès lors que l’orchestre se trouve sur la scène en lieu et place de la fosse. On se réjouira en revanche de l’excellence du Chœur de l’Opéra d’Etat bavarois, admirable de précision et de cohésion dans chacune de ses interventions.
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