samedi 18 mars 2017

Concert de l'Orchestre national de France - Alain Altinoglu - Auditorium de la Maison de la Radio - 16/03/2017

Alain Altinoglu
Créé en 2000 afin de favoriser la diffusion de la musique contemporaine dans les classes des lycées où l’enseignement musical est dispensé, le Grand Prix des lycéens organise cette année son concert final dans le grand auditorium de la Maison de la radio. Une façon de rendre hommage au lauréat de l’édition 2016, le Franco-Suisse Karol Beffa (né en 1973), mais également d’inviter les nombreux jeunes qui ont participé à ce projet à travers toute la France. Autour de soi, on remarque ainsi immédiatement les visages d’un public rajeuni, venu entendre son champion entouré des noms prestigieux de Bloch, Dutilleux et Roussel. En dehors de Beffa, point de musique contemporaine, donc, mais on notera que les élèves ont préparé au mieux le concours en écoutant «plus d’une vingtaine d’œuvres contemporaines» en un an.

Si l’on s’amuse du peu de musique contemporaine à l’affiche d’un concert censé la mettre en valeur, le programme proposé aux jeunes lycéens n’est cependant en rien complaisant. On en jugera par la présence de l’exigeante Seconde Symphonie «Le Double» de Dutilleux, aux ambiances envoûtantes et enivrantes, qui ne dévoile ses séductions mélodiques subtiles qu’avec une écoute attentive. Alain Altinoglu s’en empare avec un geste vif qui refuse tout sentimentalisme, détaillant les interventions des différents groupes d’instrument. C’est particulièrement marquant dans les tutti, à l’expression déliée à la limite du maniérisme, habilement contrastée avec les interventions étranges du clavecin qui apporte un climat de sombre mystère, assez statique. Altinoglu se montre impressionnant dans la mise en place de l’énergie rythmique du dernier mouvement, très réussi.


On restera en revanche sur sa faim avec la création mondiale donnée en début de concert, Le Bateau ivre de Karol Beffa. Après un début doux et mélancolique, le compositeur insuffle une urgence imprimée principalement par les cordes, avant de conclure son mouvement en une péroraison sauvage proche de Revueltas. Malgré un orchestre pléthorique, on constate une sous-utilisation des moyens au service d’une musique d’une simplicité consonante et homophonique (hormis la conclusion) proche de la musique de film. Autre déception avec l’arrivée d’Anne Gastinel au violoncelle solo, trop froide pour animer un Schelomo de Bloch très désincarné. La Française, souvent couverte par l’orchestre, se soucie peu des possibilités d’échange et d’affrontement avec ce dernier, se contentant d’un discours raide et passif, au chant résigné. A ses côtés, Altinoglu refuse là encore le sentiment pour une vision claire et précise qui privilégie le détail et les couleurs, modernisant l’œuvre en lui ôtant son lyrisme et sa mélancolie profondes. Pour autant, on sent le chef français prêt à bondir comme le feu sous la glace, malheureusement restreint par son interprète rétive à tout emballement. En bis, Gastinel s’empare de la «Canzona» de la Première Suite pour violoncelle de Bloch avec la même objectivité distante.


Altinoglu semble ensuite plus à l’aise avec les délices symphoniques variés de la Deuxième Suite du ballet Bacchus et Ariane, une œuvre parfaitement maîtrisée par l’Orchestre national de France. On en prend pour preuve des pupitres de cuivres aux interventions plus harmonieuses, tandis que l’ivresse rythmique de Roussel se déploie sous la baguette hilare d’Altinoglu. Un véritable régal de bout en bout. Visiblement ravi à l’issue du concert, le Français se permet même un bis inattendu avec une formation en résidence, reprenant «quatre mesures avant 129» en un geste plus détendu et fluide que précédemment.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire