mercredi 8 mars 2017

« Le Mariage secret » de Cimarosa - Conservatoire de musique et de danse de Paris - 06/03/2017

CNSM de Paris
Comme chaque année, le Conservatoire national de musique et de danse de Paris permet à ses meilleurs étudiants de se confronter à la réalité d’une production présentée en public dans la salle d’art lyrique de près de 400 places. On se souvient ainsi d’Iliade l’amour de Betsy Jolas en 2016, du Voyage à Reims donné en 2015 dans les mêmes lieux ou encore de Mithridate l’année précédente, avec notamment Enguerrand de Hys (un ténor qui a confirmé depuis tout le bien que l’on pensait de lui). A l’instar de la troupe de l’Académie lyrique de l’Opéra national de Paris en 2009, nos jeunes pousses abordent cette année Le Mariage secret (1792), incontestable chef-d’œuvre de Domenico Cimarosa (1749-1801).


Pas de recours, cette fois, aux meilleurs danseurs du Conservatoire: seuls les musiciens et les chanteurs font partie de ce spectacle auquel s’adjoint le rôle muet interprété par Alex Sander Dos Santos. Ce dernier apporte une touche de fantaisie constante autour d’interventions décalées à la manière du Puck du Songe d’une nuit d’été. Sa présence résume bien l’esprit de cette production délirante confiée à Cécile Roussat et Julien Lubek, qui assurent tous deux la mise en scène, la scénographie, les costumes et les lumières – rien que ça! Un peu à la manière de l’excellente production du Roi Pasteur au Châtelet en 2015, leur travail truffé de détails fait preuve d’une inventivité admirable qui pourra dérouter les générations plus âgées, confrontées à un univers rocambolesque et déjanté. Evoluant dans un décor baroque et morbide teinté d’éclairages expressionnistes finement ciselés, les personnages, vêtus de costumes originaux, évoquent autant la famille Adams qu’une basse-cour d’opérette. Tout le rythme de l’acte I se montre parfaitement soutenu par la maestria des idées comiques qui se succèdent à un rythme effréné, de l’introduction d’un gyropode à l’apparition de lapereaux apeurés, en passant par la tête du barbon transportée facétieusement sur un plateau surmonté d’une cloche en métal...


On pourra cependant regretter que cette mise en scène un rien débraillée se révèle moins à l’aise avec les noirceurs et l’apaisement de l’acte II, là où l’inspiration musicale de Cimarosa se révèle elle aussi plus inégale. Pour autant, le spectacle reste plaisant du fait d’un plateau vocal de bonne tenue, emmené par un Guilhem Worms (Signor Geronimo) à la diction impeccable, impressionnant d’aisance et de prestance dans son rôle de hipster superficiel (mais n’est-ce pas là un pléonasme?). A ses côtés, Marie Perbost (Elisetta) impose la fureur de son tempérament volcanique avec un timbre un peu dur, seulement gêné par quelques imperfections techniques. Rien de tel pour la délicieuse Carolina d’Harmonie Deschamps, au timbre velouté et précis, dont on pourra cependant regretter le manque d’ampleur. Quant au timbre pur de Blaise Rantoanina (Paolino), il s’exprime harmonieusement au premier acte, avant de faiblir ensuite. On pourra également lui reprocher une certaine prudence dans un rôle plus exalté et torturé qu’il n’y paraît. Enfin, Fiona McGown (Fidalma) et Jean-Christophe Lanièce (Comte Robinson) assurent bien leur partie, sans briller pour autant.


La seule vraie déception de la soirée vient de la fosse, où Patrick Davin fait sonner très fort l’Orchestre du Conservatoire de Paris sans prendre en compte l’acoustique des lieux. Le chef belge se montre peu intéressé par la construction des crescendos ou l’expression des atmosphères, se contentant de la mise en valeur de l’énergie rythmique et des ruptures de Cimarosa. Cette direction en noir et blanc, virile à défaut d’être subtile, fatigue bien vite dans la durée.

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