2018 marque le centenaire
de l’anniversaire de la naissance de Charles Gounod (1818-1893), l’un
des musiciens français les plus célébrés dans le monde avec Bizet. Outre
son opéra-comique Philémon et Baucis (1861) présenté à Tours dès le 16
février, on retrouve son chef-d’œuvre Faust (1859) dans une mise en
scène très attendue à Genève, à voir jusqu’au 18 février 2018. La grande
maison suisse a eu en effet la bonne idée de confier cette production
au metteur en scène français Georges Lavaudant (né en
1947), ancien directeur de l’Odéon, bien connu des amateurs de théâtre,
qui s’est aussi illustré avec bonheur dans l’opéra – on pense par
exemple à sa production intense du rare Une Tragédie florentine de
Zemlinsky, donné à l’Opéra de Lyon voilà déjà six ans.
C’est là l’occasion d’un retour aux
sources pour Lavaudant ; le metteur en scène retrouve le compositeur qui
avait marqué ses débuts dans la mise en scène d’opéra : les plus
anciens se souviennent certainement de son Roméo et Juliette présenté à
l’Opéra de Paris en 1982. Pour autant, d’où vient cette impression que
le Français semble d’emblée submergé par le défi qui consiste à monter
une nouvelle fois un chef d’œuvre aussi connu que Faust ? Sa conception
d’ensemble apparaît très sombre et intellectuelle, avec la volonté de
réduire les éléments comiques ou fantastiques de l’ouvrage pour mieux
placer d’emblée le personnage de Marguerite au centre de l’histoire.
Cette idée intéressante est malheureusement fort dommageable à toute la
terne première partie qui donne à voir un hangar immense et sinistre,
sur le toit duquel apparaît Marguerite en soubrette immaculée et
inaccessible au I. Lavaudant n’évite pas un statisme à la limite du
maniérisme, surtout avec les chœurs, d’autant qu’il se refuse aux
artifices des décors ou des éclairages, toujours sobres. Les dessins
préparatoires de son décorateur attitré, Jean-Pierre Vergier, laissent d’ailleurs à penser que cette sobriété visuelle s’est renforcée lors des répétitions.
La discrète transposition dans un
univers cinématographique apparaît également peut convaincante tant elle
est sous-exploitée. Quelques démons à la solde de Méphistophélès
donnent ainsi l’impression de se jouer de tout ce petit monde et de
tirer les ficelles d’une action décousue pour mieux justifier les
agissements caricaturaux des nombreux personnages : seule la scène avec
Dame Marthe apporte un semblant de légèreté avec la bonne idée de placer
les quatre interprètes inconfortablement assis sur le rebord du lit
étroit. Mais c’est surtout après l’entracte que le travail visuel de
Vigier prend davantage d’impact, laissant entrevoir la déchéance de
Marguerite dans les bas-fonds, avant la belle scène de la mort de son
frère, parfaitement réglée au niveau des chœurs, ou encore la scène
finale et son faux Christ crucifié incarné par Méphistophélès. Le tout
dans une ambiance toujours aussi stylisée, épurée, le décor unique
servant pendant les cinq actes.
Face à cette mise en scène mitigée, le
plateau vocal réuni apporte beaucoup de satisfactions, il est vrai
admirablement aidé par l’acoustique exceptionnelle de la salle
provisoire installée place des Nations (en attendant la fin des travaux
au Grand-Théâtre prévue cette année). Les parisiens connaissent bien
cette salle installée dans la cour du Palais-Royal lors des travaux de
rénovation de la Comédie-Française entre 2012 et 2013.
Dans le rôle de Méphistophélès, Adam Palka se montre parfaitement à son aise, idéal de noirceur dans les graves, capable d’une belle projection quand la voix est bien placée. Le Polonais, familier du rôle, a aussi pour lui une belle composition scénique : de quoi faire de ses interventions, un plaisir constant. A ses côtés, Jean-François Lapointe (Valentin) se distingue par l’éloquence de ses phrasés et la noblesse de son chant : c’est lui qui reçoit la plus belle ovation, méritée, en fin de représentation.
Le ténor John Osborn (Faust) apparaît plus en retrait,
avec un timbre un peu terne et une émission souvent trop prudente. C’est
d’autant plus regrettable que son attention à la prononciation et au
sens est louable. Ruzan Mantashyan est une Marguerite ambivalente :
on admire son chant souple et aérien, surtout en première partie
d’opéra, tout en regrettant une certaine pâleur au niveau dramatique,
particulièrement dans les dernières scènes. Gageons que les prochaines
représentations sauront lui donner l’élan nécessaire à davantage de
prise de risques. Outre le parfait Siebel de Samantha Hankey, mentionnons encore la délicieuse Dame Marthe de Marina Viotti, très à l’aise vocalement.
Dans la fosse, Michel Plasson
(né en 1933) fait valoir son attention aux couleurs en des phrasés en
rien trop retenus. Le rythme est placé au second plan, au service d’une
élégance jamais prise en défaut, tout en donnant une belle emphase aux
passages dramatiques en fin d’opéra, laquelle, il est vrai, est portée
par les splendides pupitres de cuivres de l’Orchestre de la Suisse Romande. De quoi permettre, avec les chœurs en forme du Grand Théâtre
de Genève, une soirée globalement satisfaisante.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire