mardi 6 février 2018

« Faust » de Charles Gounod - Opéra de Genève - 03/02/2018

2018 marque le centenaire de l’anniversaire de la naissance de Charles Gounod (1818-1893), l’un des musiciens français les plus célébrés dans le monde avec Bizet. Outre son opéra-comique Philémon et Baucis (1861) présenté à Tours dès le 16 février, on retrouve son chef-d’œuvre Faust (1859) dans une mise en scène très attendue à Genève, à voir jusqu’au 18 février 2018. La grande maison suisse a eu en effet la bonne idée de confier cette production au metteur en scène français Georges Lavaudant (né en 1947), ancien directeur de l’Odéon, bien connu des amateurs de théâtre, qui s’est aussi illustré avec bonheur dans l’opéra – on pense par exemple à sa production intense du rare Une Tragédie florentine de Zemlinsky, donné à l’Opéra de Lyon voilà déjà six ans.
 
C’est là l’occasion d’un retour aux sources pour Lavaudant ; le metteur en scène retrouve le compositeur qui avait marqué ses débuts dans la mise en scène d’opéra : les plus anciens se souviennent certainement de son Roméo et Juliette présenté à l’Opéra de Paris en 1982. Pour autant, d’où vient cette impression que le Français semble d’emblée submergé par le défi qui consiste à monter une nouvelle fois un chef d’œuvre aussi connu que Faust ? Sa conception d’ensemble apparaît très sombre et intellectuelle, avec la volonté de réduire les éléments comiques ou fantastiques de l’ouvrage pour mieux placer d’emblée le personnage de Marguerite au centre de l’histoire. Cette idée intéressante est malheureusement fort dommageable à toute la terne première partie qui donne à voir un hangar immense et sinistre, sur le toit duquel apparaît Marguerite en soubrette immaculée et inaccessible au I. Lavaudant n’évite pas un statisme à la limite du maniérisme, surtout avec les chœurs, d’autant qu’il se refuse aux artifices des décors ou des éclairages, toujours sobres. Les dessins préparatoires de son décorateur attitré, Jean-Pierre Vergier, laissent d’ailleurs à penser que cette sobriété visuelle s’est renforcée lors des répétitions.

La discrète transposition dans un univers cinématographique apparaît également peut convaincante tant elle est sous-exploitée. Quelques démons à la solde de Méphistophélès donnent ainsi l’impression de se jouer de tout ce petit monde et de tirer les ficelles d’une action décousue pour mieux justifier les agissements caricaturaux des nombreux personnages : seule la scène avec Dame Marthe apporte un semblant de légèreté avec la bonne idée de placer les quatre interprètes inconfortablement assis sur le rebord du lit étroit. Mais c’est surtout après l’entracte que le travail visuel de Vigier prend davantage d’impact, laissant entrevoir la déchéance de Marguerite dans les bas-fonds, avant la belle scène de la mort de son frère, parfaitement réglée au niveau des chœurs, ou encore la scène finale et son faux Christ crucifié incarné par Méphistophélès. Le tout dans une ambiance toujours aussi stylisée, épurée, le décor unique servant pendant les cinq actes.


Face à cette mise en scène mitigée, le plateau vocal réuni apporte beaucoup de satisfactions, il est vrai admirablement aidé par l’acoustique exceptionnelle de la salle provisoire installée place des Nations (en attendant la fin des travaux au Grand-Théâtre prévue cette année). Les parisiens connaissent bien cette salle installée dans la cour du Palais-Royal lors des travaux de rénovation de la Comédie-Française entre 2012 et 2013.

Dans le rôle de Méphistophélès, Adam Palka se montre parfaitement à son aise, idéal de noirceur dans les graves, capable d’une belle projection quand la voix est bien placée. Le Polonais, familier du rôle, a aussi pour lui une belle composition scénique : de quoi faire de ses interventions, un plaisir constant. A ses côtés, Jean-François Lapointe (Valentin) se distingue par l’éloquence de ses phrasés et la noblesse de son chant : c’est lui qui reçoit la plus belle ovation, méritée, en fin de représentation.

Le ténor John Osborn (Faust) apparaît plus en retrait, avec un timbre un peu terne et une émission souvent trop prudente. C’est d’autant plus regrettable que son attention à la prononciation et au sens est louable. Ruzan Mantashyan est une Marguerite ambivalente : on admire son chant souple et aérien, surtout en première partie d’opéra, tout en regrettant une certaine pâleur au niveau dramatique, particulièrement dans les dernières scènes. Gageons que les prochaines représentations sauront lui donner l’élan nécessaire à davantage de prise de risques. Outre le parfait Siebel de Samantha Hankey, mentionnons encore la délicieuse Dame Marthe de Marina Viotti, très à l’aise vocalement.

Dans la fosse, Michel Plasson (né en 1933) fait valoir son attention aux couleurs en des phrasés en rien trop retenus. Le rythme est placé au second plan, au service d’une élégance jamais prise en défaut, tout en donnant une belle emphase aux passages dramatiques en fin d’opéra, laquelle, il est vrai, est portée par les splendides pupitres de cuivres de l’Orchestre de la Suisse Romande. De quoi permettre, avec les chœurs en forme du Grand Théâtre de Genève, une soirée globalement satisfaisante.

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