C’est heureux : les maisons d’opéra affichent de plus en plus souvent les ouvrages de Gian Carlo Menotti (1911-2007), compositeur américain d’origine italienne, bien connu pour ses remarquables qualités de librettiste. Quelques années après le succès de son opéra Le Consul, prix Pullitzer en 1950,
Menotti écrivit notamment le livret de Vanessa, l’une des plus célèbres
créations lyriques de son temps due à son compagnon Samuel Barber en
1957. C’est donc avec une grande curiosité qu’il nous était donné de
découvrir Le Médium (1946) dans une version réduite à l’accompagnement
au piano, où Menotti fait précisément valoir ses qualités de dramaturge :
en une oeuvre d’un peu plus d’une heure, le compositeur nous embarque
dans le quotidien d’une vraie-fausse voyante affublée de ses deux
acolytes, Monica et Toby. Le huis-clos saisissant vire rapidement au
triangle amoureux, …fatal pour le jeune Toby.
Autour de cette trame
assez simple mais prenante, Menotti tisse des variations habiles
d’atmosphère, basées sur un parlé chanté harmonieux, sans dissonances.
On se situe à mi-chemin entre les comédies musicales et les opéras de
chambre de Britten, dont ressortent les parties plus lyriques confiées
aux deux rôles féminins principaux – le rôle de Toby étant muet. C’est
là l’une des grandes trouvailles du livret, tant ce handicap renforce la
faiblesse de ce personnage pris dans l’étau de l’emprise physique et
psychologique de la médium Flora, comme de son amour sans retour pour
Monica. L’air délétère “Mother, mother, are you there ?”, entonné comme
un leitmotiv tout au long de la partition, tout autant que la magnifique
complainte entre les deux femmes à la fin du I et bien sûr la longue
scène du délire de Flora au II, résonnent encore longtemps après la
représentation.
La mise en scène d’Alexander Kreuselberg joue la carte de la sobriété
dans la petite salle dite de la « mansarde », avec ses quelques
soixante-dix chaises entourant la scène (sans surtitres, au placement
libre), mettant surtout en avant la fragilité des jeunes tourtereaux :
les regards apeurés, tout autant que les costumes (robe de chambre
enfantine pour Monica en contraste avec la splendeur des velours dévolus
à Flora) apportent beaucoup à ce spectacle très proche du théâtre.
Mais ce sont surtout les interprètes principaux qui donnent corps à ce drame, au premier rang desquels la magistrale Claude Eichenberger (Madame Flora), intense de conviction du début à la fin. Sa voix charnue, aux beaux graves, est un vrai régal. Elissa Huber (Monica) n’est pas en reste avec sa touchante sensibilité, tout aussi à l’aise au niveau vocal, tandis que le danseur Davidson Farias (Toby) donne une grâce légère et fluide à son rôle de victime consentante. Les seconds rôles tiennent bien leur partie, tandis que l’accompagnement au piano d’Anne Hinrichsen affiche un confort superlatif.
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