Collégiale de Berne |
La charmante capitale de la Suisse,
Berne, n’en finit pas d’attirer son lot de touristes séduits chaque
année par son architecture médiévale préservée, tout autant que la
majesté de son site exceptionnel élevé sur les méandres de l’Aar – l’un
des affluents du Rhin. La Collégiale de Berne, parfois appelée
Cathédrale, trône sur la ville haute avec sa flèche de cent mètres, la
plus haute de Suisse, achevée au XIXème siècle. C’est dans ce cadre que
se tient l’un des concerts les plus attendus de la saison bernoise
autour d’un rare programme consacré à Karl Amadeus Hartmann (1905-1963)
et Leos Janácek (1854-1928).
On retrouve en première partie de concert le Concerto funèbre (1939 ; révisé en 1959) de Hartmann,
l’une de ses œuvres les plus souvent données de nos jours. C’est là
certainement un hommage aux liens très proches de cette œuvre avec la
Suisse, qui a eu l’honneur d’une création mondiale à St Gallen en 1940,
tout autant qu’un premier enregistrement discographique avec le
violoniste suisse Ulrich Lehmann. L’ancien élève du bouillant chef
d’orchestre Hermann Scherchen fait valoir ici une simplicité dépouillée
qui donne la part belle au violon solo en ouverture, assemblant des
bribes de discours musical en un rythme lent dépassionné. Les visions
sombres de l’avènement du régime nazi, tout comme de la guerre à venir,
sont les principales sources d’inspiration d’Hartmann, d’une noblesse
éloquente dans la douleur intériorisée. L’œuvre gagne ensuite un ton
plus affirmé, parfois proche de Chostakovitch dans le travail sur les
vents, tandis que les cordes dominent. La violoniste Theresa Bokány
apparaît malheureusement trop en retrait au niveau interprétatif,
semblant manquer de caractère au profit d’une vision plus lyrique. La
bonne tenue technique, tout comme l’accompagnement parfait de Mario Venzago à la tête de l’Orchestre symphonique de Berne, compensent heureusement cette vision un rien trop … uniforme.
Le moment le plus attendu de la soirée était cependant celui consacré à la splendide Messe glagolitique (1927) de Leos Janácek, une œuvre tardive où le compositeur tchèque se montre au sommet de ses moyens. C’est là l’occasion de découvrir le Choeur philharmonique tchèque de Brno,
basé dans la ville natale de Janácek, qui démontre toute la force de
son engagement et ses qualités d’ensemble dans la vigueur des attaques :
un véritable privilège que de les entendre à Berne !
La musique évocatrice de Janácek résonne dans la Collégiale avec les cuivres splendides de l’Orchestre symphonique de Berne, tandis que Mario Venzago se joue de l’acoustique périlleuse pour assembler les éléments épars développés tout au long de la Messe. Les non connaisseurs pourront ainsi être surpris par l’aspect volontiers rugueux et primitif de cette œuvre où Janácek n’hésite pas à faire rugir toute la virtuosité de son orchestre, particulièrement dans les graves, en une orchestration toujours inventive. La musique nerveuse, aux nombreuses variations d’intensité, est aussi à la recherche de nouvelles sonorités : de quoi passionner de bout en bout. On regrettera seulement les difficultés dans l’aigu du principal soliste de l’œuvre, le ténor Tomáš Černý, puissant mais au timbre un peu fatigué. A ses côtés, Andrea Dankova (soprano) se distingue par sa voix charnue parfaitement projetée, formidable de conviction, tandis que Young Kwon (basse) séduit par son beau timbre grave.
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