mardi 6 mars 2018

« Die Passagierin » de Mieczyslaw Weinberg - Opéra de Francfort - 03/03/2018


On ne pourra que conseiller vivement la reprise de la production de La Passagère de Mieczyslaw Weinberg (1919-1996) montée voilà déjà trois ans, et ce d’autant plus que l’on bénéficie désormais des surtitres en anglais à Francfort. Tout, dans ce spectacle, n’appelle que des éloges, particulièrement le plateau vocal réuni cette année, meilleur qu’en 2015. Parmi les nombreux rôles en présence, Peter Marsh reprend vaillamment le flambeau de celui de Walter, surtout actif dans la partie initiale de l’ouvrage, très nerveuse. On se régale à nouveau de son timbre et de son émission d’une clarté éloquente, le ténor étant par ailleurs doté d’une projection idéale. A ses côtés, les deux principaux rôles féminins sont assurés par deux nouvelles recrues, Jessica Strong (Marta) et Katharina Magiera (Lisa). C’est surtout la première qui impressionne par son chant radieux, admirable de couleurs tout autant que passionnant dans ses prises de risque. Katharina Magiera assure bien sa partie, mais déçoit quelque peu dans son air superbe en début de seconde partie, notamment dans le suraigu. Elle est surclassée par Elizabeth Reiter (Katja), tout simplement bouleversante dans la chanson russe interprétée par son personnage dans les ténèbres du camp de concentration au II. On félicite aussi tous les formidables seconds rôles réunis au bénéfice de cette production, accompagnés par des chœurs à la hauteur de l’événement. La baguette toujours sure de Leo Hussain se joue admirablement des différents climats de cette œuvre riche, vibrant dans les passages verticaux avant de montrer un visage plus lyrique dans les parties apaisées.

On retrouve aussi avec plaisir le décor splendide de Katja Hass, dont le bateau embrasse toute la scène de sa masse: un effet visuel saisissant et efficace au niveau acoustique. Autant la variété des éclairages que la poésie constante (notamment les textes en toutes langues qui apparaissent au long du spectacle sur la coque) aident à la compréhension des allers-retours entre passé et présent, tandis que le plateau tournant imprime un mouvement hypnotique particulièrement pertinent dans la révélation de tableaux inattendus. La caractérisation musicale de Weinberg permet enfin à chaque scène de trouver un coloris bien spécifique, des scansions verticales initiales cravachées par les percussions, vite balayées par les rythmes jazzy inquiétants entonnés autour de Walter, sans parler des effets de masse proches de Chostakovitch ou du Britten de Peter Grimes. L’intensité dramatique prend bien entendu corps dans le camp de concentration autour d’une raréfaction bienvenue de l’action, Weinberg atteignant alors au cœur de l’ouvrage par la simplicité de son discours musical, qui prend l’auditoire aux tripes.

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