dimanche 30 septembre 2018

« Les Huguenots » de Giacomo Meyerbeer - Opéra Bastille à Paris - 28/09/2018


Il est souvent rappelé que Les Huguenots fut le premier ouvrage à dépasser les mille représentations à l’Opéra de Paris, rattrapé ensuite par la déferlante du succès du Faust de Gounod. Pour autant, l’ouvrage comme son compositeur furent rapidement oubliés dès le milieu du XXe siècle, même si on note une certaine réhabilitation depuis une dizaine d’années. Parmi les productions récentes des Huguenots, on citera ainsi celle d’Olivier Py à Bruxelles et Strasbourg en 2011-2012, puis celle de David Alden récemment à Berlin.
 
C’est précisément de la capitale allemande que nous vient le metteur en scène Andreas Kriegenburg, qui fait ses débuts à l’Opéra de Paris après une longue carrière dans les pays germaniques, d’abord dédiée au théâtre. Ancien metteur en scène en résidence au Deutsches Theater de Berlin, il a abordé le répertoire lyrique depuis 2006, recueillant de nombreux succès à Munich notamment. Disons-le tout net : sa première prestation en France n’a guère convaincu, du fait notamment d’une conception trop intellectuelle du grand mélodrame flamboyant de Meyerbeer. A l’instar de nombreux metteurs en scène venu du théâtre, Kriegenburg laisse en effet de côté la nécessité d’articuler les impératifs dramatiques et la conduite du discours musical : c’est particulièrement malvenu s’agissant d’un compositeur tel que Meyerbeer dont l’imagination se retrouve dans le foisonnement des détails piquants de l’orchestration. On a là une filiation directe avec Spontini et Berlioz, deux compositeurs eux-aussi passionnés par les nouvelles sonorités, les contrastes entre effets de masse et subtilités chambristes, tout en embrassant un style volontiers syncrétique. On ne retrouvera donc pas ici la traduction visuelle des nombreuses variations d’atmosphères, comme de l’humour et de l’ironie très présents au I, ce qui est par ailleurs aggravé par la direction placide et impersonnelle de Michele Mariotti dont la lecture aux contrastes aplanis apporte évanescence et transparence – bien trop lisse au final.

Kriegenburg nous inflige quant à lui des tableaux particulièrement répétitifs dans chaque acte, dévoilant une scénographie clinique et froide, d’une laideur rare : aux étages de parking repeints en blanc au I succède un décor encore plus cheap au II, donnant à voir quelques femmes dénudées prenant maladroitement leur bain, avant que les actes suivants ne poursuivent cette thématique pseudo-futuriste où le blanc domine. A quoi bon disposer de moyens aussi importants pour nous proposer les décors qu’un théâtre de RDA n’aurait pas juger dignes de présenter en son temps ? Quelques éclairages pastels viennent ça et là rehausser l’ensemble, mais la direction d’acteur statique et sans surprise consterne, elle aussi, sur la durée. On mentionnera encore les costumes habilement modernisés, évoquant la mode au temps de la Saint-Barthélémy, qui ont pour principal avantage de bien distinguer les deux camps en présence, et ce malgré leurs couleurs kitch (proche en cela du travail visuel de Vincent Boussard et Christian Lacroix).


Fort heureusement, Stéphane Lissner a eu la bonne idée de réunir l’une des distributions les plus enthousiasmantes du moment pour ce répertoire, et ce malgré le cas problématique de Yosep Kang. Le ténor coréen a certes relevé avec panache le défi de se substituer au dernier moment à Bryan Hymel (ce dont témoignent les très belles photos des répétitions de l’ouvrage, à voir dans le programme de l’Opéra de Paris. On y notera aussi la mention bienvenue de l’ensemble des coupures pratiquées au niveau du livret), mais déçoit dans les airs du fait d’une émission étroite et d’une tessiture insuffisante dans le suraigu, forçant ces différents passages avec difficulté. C’est d’autant plus regrettable que Kang fait valoir un très beau timbre dans les graves, une parfaite prononciation du français, ainsi qu’une belle assurance dans les ariosos. Hélas trop peu, à ce niveau, pour compenser les écueils relevés plus haut. A ses côtés, la plus belle ovation de la soirée a été obtenue, ce qui n’est que justice, pour le chant radieux et aérien de Lisette Oropesa (Marguerite). Quel plaisir que cette facilité vocale (les vocalises!) au service d’une intention toujours juste et précise. C’est précisément ce que l’on reproche à Ermonela Jaho (Valentine), impériale vocalement elle aussi, mais qui a tendance à surjouer dans les passages mélodramatiques. Rien d’indigne bien sûr, mais toujours regrettable. Karine Deshayes compose quant à elle un Urbain d’une aisance confondante, autour d’une projection vibrante et incarnée. On notera juste un aigu parfois un peu dur. Nicolas Testé reçoit lui aussi des applaudissements nourris à l’issue de la représentation : la sûreté de l’émission et la beauté du timbre compensent une interprétation par trop monolithique, heureusement en phase avec son rôle de Marcel. Toutes les autres interventions, jusqu’au moindre second rôles, sont un régal de chaque instant.

Dommage que le choeur de l’Opéra de Paris montre, une fois encore, des défaillances pour chanter parfaitement ensemble. Il faut trop souvent lire les surtitres pour comprendre le sens : un comble pour un choeur censé parfaitement maîtriser notre langue. On espère vivement que le travail qualitatif réalisé, par exemple, par Lionel Sow avec le choeur de l’Orchestre de Paris, pourra un jour être mené ici.

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