Il est souvent rappelé que Les Huguenots
fut le premier ouvrage à dépasser les mille représentations à l’Opéra
de Paris, rattrapé ensuite par la déferlante du succès du Faust de
Gounod. Pour
autant, l’ouvrage comme son compositeur furent rapidement oubliés dès
le milieu du XXe siècle, même si on note une certaine réhabilitation
depuis une dizaine d’années. Parmi les productions récentes des
Huguenots, on citera ainsi celle d’Olivier Py à Bruxelles et Strasbourg
en 2011-2012, puis celle de David Alden récemment à Berlin.
C’est précisément de la capitale allemande que nous vient le metteur en scène Andreas Kriegenburg,
qui fait ses débuts à l’Opéra de Paris après une longue carrière dans
les pays germaniques, d’abord dédiée au théâtre. Ancien metteur en scène
en résidence au Deutsches Theater de Berlin, il a abordé le répertoire
lyrique depuis 2006, recueillant de nombreux succès à Munich notamment. Disons-le
tout net : sa première prestation en France n’a guère convaincu, du
fait notamment d’une conception trop intellectuelle du grand mélodrame
flamboyant de Meyerbeer. A l’instar de nombreux metteurs en scène venu
du théâtre, Kriegenburg laisse en effet de côté la nécessité d’articuler
les impératifs dramatiques et la conduite du discours musical : c’est
particulièrement malvenu s’agissant d’un compositeur tel que Meyerbeer
dont l’imagination se retrouve dans le foisonnement des détails piquants
de l’orchestration. On a là une filiation directe avec Spontini et
Berlioz, deux compositeurs eux-aussi passionnés par les nouvelles
sonorités, les contrastes entre effets de masse et subtilités
chambristes, tout en embrassant un style volontiers syncrétique. On ne
retrouvera donc pas ici la traduction visuelle des nombreuses variations
d’atmosphères, comme de l’humour et de l’ironie très présents au I, ce
qui est par ailleurs aggravé par la direction placide et impersonnelle de Michele Mariotti dont la lecture aux contrastes aplanis apporte évanescence et transparence – bien trop lisse au final.
Kriegenburg nous inflige quant à lui des tableaux particulièrement répétitifs dans chaque acte, dévoilant une scénographie clinique et froide, d’une laideur rare
: aux étages de parking repeints en blanc au I succède un décor encore
plus cheap au II, donnant à voir quelques femmes dénudées prenant
maladroitement leur bain, avant que les actes suivants ne poursuivent
cette thématique pseudo-futuriste où le blanc domine. A quoi bon
disposer de moyens aussi importants pour nous proposer les décors qu’un
théâtre de RDA n’aurait pas juger dignes de présenter en son temps ?
Quelques éclairages pastels viennent ça et là rehausser l’ensemble, mais
la direction d’acteur statique et sans surprise consterne, elle aussi,
sur la durée. On mentionnera encore les costumes habilement modernisés,
évoquant la mode au temps de la Saint-Barthélémy, qui ont pour principal
avantage de bien distinguer les deux camps en présence, et ce malgré
leurs couleurs kitch (proche en cela du travail visuel de Vincent
Boussard et Christian Lacroix).
Fort heureusement, Stéphane Lissner a eu la bonne idée de réunir l’une des distributions les plus enthousiasmantes du moment pour ce répertoire, et ce malgré le cas problématique de Yosep Kang.
Le ténor coréen a certes relevé avec panache le défi de se substituer
au dernier moment à Bryan Hymel (ce dont témoignent les très belles
photos des répétitions de l’ouvrage, à voir dans le programme de l’Opéra
de Paris. On y notera aussi la mention bienvenue de l’ensemble des
coupures pratiquées au niveau du livret), mais déçoit dans les airs du
fait d’une émission étroite et d’une tessiture insuffisante dans le
suraigu, forçant ces différents passages avec difficulté. C’est d’autant
plus regrettable que Kang fait valoir un très beau timbre dans les
graves, une parfaite prononciation du français, ainsi qu’une belle
assurance dans les ariosos. Hélas trop peu, à ce niveau, pour compenser
les écueils relevés plus haut. A ses côtés, la plus belle ovation de la
soirée a été obtenue, ce qui n’est que justice, pour le chant radieux et
aérien de Lisette Oropesa (Marguerite). Quel plaisir
que cette facilité vocale (les vocalises!) au service d’une intention
toujours juste et précise. C’est précisément ce que l’on reproche à Ermonela Jaho
(Valentine), impériale vocalement elle aussi, mais qui a tendance à
surjouer dans les passages mélodramatiques. Rien d’indigne bien sûr,
mais toujours regrettable. Karine Deshayes compose
quant à elle un Urbain d’une aisance confondante, autour d’une
projection vibrante et incarnée. On notera juste un aigu parfois un peu
dur. Nicolas Testé reçoit lui aussi des
applaudissements nourris à l’issue de la représentation : la sûreté de
l’émission et la beauté du timbre compensent une interprétation par trop monolithique, heureusement en phase avec son rôle de Marcel. Toutes les
autres interventions, jusqu’au moindre second rôles, sont un régal de
chaque instant.
Dommage que le choeur de l’Opéra de Paris
montre, une fois encore, des défaillances pour chanter parfaitement
ensemble. Il faut trop souvent lire les surtitres pour comprendre le
sens : un comble pour un choeur censé parfaitement maîtriser notre
langue. On espère vivement que le travail qualitatif réalisé, par
exemple, par Lionel Sow avec le choeur de l’Orchestre de Paris, pourra
un jour être mené ici.
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