lundi 25 septembre 2023

« Les Boréades » de Jean-Philippe Rameau - György Vashegyi - Théâtre des Champs-Elysées à Paris - 23/09/2023

Les Boréades (1763) reste aujourd’hui encore considéré comme l’un des ouvrages mythiques de Jean-Philippe Rameau, et ce à plus d’un titre. Interrompues par le décès du compositeur en 1764, les répétitions de cet ultime opéra furent annulées pour une multiplicité de raisons (cabale, incendie et censure, selon Sylvie Bouissou), repoussant la création à 1964, pour le deux centième anniversaire de la mort de Rameau ! On doit à John Eliott Gardiner et Jean-Louis Martinoty la première représentation scénique de l’ouvrage au festival d’Aix-en-Provence en 1982, suivie du tout premier disque intégral dirigé par le même Gardiner, pour Erato. Une année 2014 riche en célébration, qui fêtait le 250e anniversaire de la mort de Rameau en grande pompe, redonnant aux Boréades le chemin de la scène, cette fois en version de concert à Aix.

Malgré ses qualités musicales intrinsèques, l’écoute des Boréades sur scène est en effet restée très rare jusqu’en 2018 (et ce malgré la création à l’Opéra de Paris en 2003), date à laquelle la Bibliothèque Nationale de France a récupéré les droits d’exploitation de l’ouvrage, jusque-là détenus par une société privée plus soucieuse de ses intérêts financiers que de faire connaître l’ouvrage au plus grand nombre. Cette époque désormais révolue, on se réjouit de pouvoir assister à une nouvelle représentation au Théâtre des Champs-Elysées, menée par l’un des plus grands spécialistes actuels de ce répertoire en la personne de György Vashegyi, dont on n'a cessé de dire tout le bien de ses disques Rameau pour Glossa (voir notamment Les Fêtes de Polymnie). Le label Warner-Erato a d’ores et déjà prévu de graver Les Boréades avec György Vashegyi, pour une parution annoncée l’an prochain.

En attendant, le concert a permis aux troupes de Vashegyi de se familiariser complètement avec l’ouvrage : il reste encore du travail à effectuer au niveau de la périlleuse ouverture, qui fait entendre des cors trop timides, tandis que le pupitre des hautbois se montre faible au niveau de la virtuosité (une constante tout au long du concert, surtout en comparaison des superlatifs flûtes et bassons). En dehors de ces imperfections techniques, on retrouve le geste sûr de Vashegyi qui privilégie l’assise des basses et la précision des attaques à la dynamique, parfois un rien trop raide. Si l’ouvrage sollicite beaucoup les vents, il donne aussi une part éloquente au choeur, sans doute le plus bel atout de la soirée grâce au choeur Purcell, qui ravit par son engagement et ses nuances, sans jamais négliger la nécessaire diction. 

Que dire, aussi, du superbe plateau vocal réuni, qui donne à Sabine Devieilhe (Alphise) l’occasion de démontrer une fois encore toute sa classe dans ce répertoire, entre timbre de rêve, suprême maitrise technique et art de sculpter les mots au service du sens ! A peine pourra-t-on lui reprocher un manque de volume en certains endroits, mais c’est là un détail à ce niveau interprétatif. C’est peut-être plus encore Reinoud Van Mechelen (Abaris) qui remporte une totale adhésion, tant il prend à bras le corps toutes les difficultés vocales, étonnamment nombreuses, qui font soupçonner des influences italiennes pour l’écriture de son rôle. Eloquence et phrasés aériens se conjuguent pour donner à son interprétation un sens de l’évidence, comme si le rôle avait été écrit pour lui. A ses côtés, Gwendoline Blondeel (Sémire, Amour, Polymnie, Nymphe) surprend par son tempérament fougueux, porté par une voix bien posée et puissante, dont on aimerait toutefois davantage de variété sur la durée.

Autour du solide Tassis Christoyannis (Apollon), Thomas Dolié (Borée) donne une leçon de vérité dramatique dans son court rôle, démontrant toute la maturité artistique atteinte par le baryton français, désormais sûr de ses moyens. Philippe Estèphe compose quant à lui un convainquant Borilée, du fait d’un timbre ténébreux parfaitement articulé, mais dont les phrasés montrent parfois de légers décalages avec l’orchestre. Enfin, la principale déception de la soirée vient malheureusement de Benedikt Kristjánsson (Calisis), qui peine à affronter les hauteurs de la tessiture requise par son rôle, occasionnant perte de substance et justesse toute relative.

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