Largement oubliée de nos jours en dehors de son pays natal, la musique
de Friedrich von Flotow trouve encore le chemin des planches grâce à son
plus éclatant succès, Martha (1847), dont Francfort reprend opportunément, pour les fêtes, le spectacle très réussi créé en 2016.
C’est là une idée lumineuse, tant la muse mélodique de Flotow parcourt
l’orchestre de sa grâce toute de légèreté étourdissante, rappelant ses
modèles Auber et Adam, encensés pendant ses années d’études parisiennes
avec Reicha. Tout en aidant Offenbach à s’établir dans notre pays,
Flotow y fut longtemps fêté : il serait grand temps que ce répertoire
délicieux de fraîcheur soit davantage donné en France, à la suite des
récentes résurrections initiées par les équipes du Palazzetto Bru Zane
(voir notamment le livre‑disque consacré au Pré aux clercs d'Hérold).
En attendant, la reprise de production de Katharina Thoma n’a pas pris
une ride, provoquant l’émerveillement par la fluidité des saynètes
dévoilées grâce au plateau tournant, en un ton général malicieux et bon
enfant. La splendeur visuelle des décors et costumes permet de
contraster astucieusement les oppositions sociales entre les
tourtereaux, tandis que la seconde partie du spectacle fait place à une
émotion que la première, plus rocambolesque, n’avait pas laissé
entrevoir.
Seule rescapée du plateau vocal présentée en 2016, Katharina Magiera
(Nancy/Julia) en est aussi l’élément le plus satisfaisant pour cette
reprise, tant ses phrasés mordants mettent en valeur ses graves
idéalement projetés. On est plus déçu en revanche par la voix trop
lourde dans ce répertoire de Monika Buczkowska (Martha), qui n’évite pas
de nombreuses stridences dans l’aigu en puissance. Si Erik
van Heyningen (Plumkett) a pour lui un timbre superbe et bien articulé,
son jeu plat et morne dessert tout du long la crédibilité de son
personnage. On lui préfère l’élégance aérienne de Gerard Schneider,
remplaçant de dernière minute suite à la défection d’AJ Glueckert dans
le rôle de Lyonel, et ce malgré quelques imprécisions dans les
accélérations, au niveau de la justesse.
Enfin, Victorien Vanoosten souffle le chaud et le froid en trouvant le
ton juste au niveau narratif dans les passages lents, admirablement
étagés, tout en appuyant par trop les contrastes dans les verticalités,
aux tempi dantesques. Dommage.
Parce que la culture se conjugue sous plusieurs formes, il sera sujet ici de cinéma, de littérature, de musique, de spectacles vivants, selon l'inconstante fantaisie de son auteur
dimanche 17 décembre 2023
« Martha oder der Markt zu Richmond » de Friedrich von Flotow - Katharina Thoma - Opéra de Francfort - 16/12/2023
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