Daniele Rustioni |
On se réjouit de retrouver l’une des perles les plus fameuses du vérisme
faire un retour de premier plan sur les planches, après Liège au printemps
et avant Bastille en janvier prochain. Si l’absence de mise en scène,
au Théâtre des Champs‑Elysées comme à Lyon (où le même concert a été
donné à l’Auditorium Maurice Ravel), n’aide pas toujours à bien suivre
l’action alambiquée, surtout au début, elle n’empêche pas les
interprètes de ciseler le caractère de leurs personnages, tout au long
de la soirée. On pense en premier lieu aux regards vénéneux de
Clémentine Margaine décochés à sa grande rivale Tamara Wilson, qui
exprime un troublant mélange de majesté et de fragilité, surtout dans la
bouleversante dernière partie de l’ouvrage.
Le plateau vocal proposé frise la perfection s’agissant des deux
principales interprètes féminines, dont l’investissement dramatique de
tous les instants impressionne. Après ses récents triomphes dans les
hauteurs glacées de la tessiture de Turandot, à Amsterdam puis Bastille,
Tamara Wilson montre une nouvelle facette de son talent, en mettant à
profit son aisance théâtrale dans les passages déclamatoires, très
nombreux ici. Il faut entendre avec quelle autorité elle se saisit de
son entrée sur scène ou du monologue de Phèdre, abordant ensuite les
envolées lyriques avec une souplesse et un naturel confondants, sans
parler de sa maîtrise parfaite des sauts de registre. A ses côtés,
Clémentine Margaine (Princesse de Bouillon) n’est pas en reste, faisant
du duo avec Tamara Wilson l’un des grands moments d’intensité de la
soirée : on ne sait qu’admirer le plus chez Margaine, entre ses graves
colorés et mordants, à la résonance admirablement projetée, ou ce feu
intérieur qui émane de tous les pores, en un ton toujours juste.
Tamara Wilson |
L’autre grand atout de la soirée vient de la direction tout en contrastes de Daniele Rustioni, qui se joue des tempi pour enflammer certaines verticalités d’une vivacité nerveuse, avant de s’apaiser dans les parties plus intimistes en faisant ressortir quelques détails d’orchestration inouïs de raffinement. La pâte sonore volontairement allégée fait entendre un Rustioni tour à tour espiègle et virevoltant, en orfèvre toujours attentif à la clarté des plans sonores.
Une grande soirée qui démontre combien les « petits maîtres » de la jeune école italienne, tels que Cilea, ne doivent pas disparaitre dans les nimbes des répertoires oubliés : à cet égard, on aimerait vivement que le Théâtre des Champs‑Elysées ose nous faire entendre sur scène un ouvrage religieux de Lorenzo Perosi (1872‑1956), dont Puccini disait qu’il y a « davantage de musique chez Perosi que dans la sienne et celle de Mascagni réunies ».
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