Parmi les plus célèbres ballets du répertoire, Giselle (1841)
n’en finit pas de séduire petits et grands, toujours émerveillés par la
musique délicieuse d’invention mélodique d’Adolphe Adam (1803‑1856). La
capacité de l’ancien élève de Boieldieu à ciseler des bijoux de
raffinement sidère à chaque écoute, tant l’économie de moyens de
l’orchestration trouve une justesse de ton toujours éloquente au niveau
dramatique, à juste titre admirée par ses contemporains, jusqu’à
Tchaïkovski. Autre atout décisif, la durée brève de l’ouvrage (deux fois
cinquante minutes, avec un entracte) le rend idéal pour le jeune public
ou les profanes, sans parler de la différenciation marquée entre les
deux actes, aux atmosphères opposées : les musiques populaires et très
dansantes du I séduisent par leur variété et leur fraîcheur, à l’opposé
des ambiances fantastiques et des déchaînements plus dramatiques au II,
avec la présence marquante des Wilis (ces jeunes filles fantomatiques
mortes avant leur nuit de noce, selon des légendes germaniques).
A Bordeaux, la direction de la Coréenne Sora Elisabeth Lee impressionne
par son sens des équilibres, son raffinement délicatement étagé, même si
les verticalités laissent parfois entendre quelques saillies
péremptoires. Elle bénéficie d’un Orchestre national Bordeaux Aquitaine
très affûté dans ce répertoire, hormis des cuivres un rien trop criards
par endroits. Des détails pour une représentation d’un haut niveau
musical. L’excellence se situe aussi, on le sait, du côté du Ballet,
dirigé depuis 2017 par Eric Quilleré : également auteur de la
chorégraphie (dans le respect de la tradition des créateurs Jean Coralli
et Jules Perrot), le Français garde l’esprit de légèreté et de
fluidité, en lien avec les moindres inflexions du récit. En dehors de la
scène de la folie à la fin du I, très réaliste, on est impressionné par
le ballet fantomatique des Wilis, aussi enveloppant qu’angoissant. La
pantomime, très présente dans l’ouvrage, reste également préservée,
surtout pour les rôles secondaires en arrière‑scène.
Si Bordeaux nous fait découvrir ou redécouvrir le chef‑d’œuvre d’Adam jusqu’au 31 décembre prochain, quasiment quotidiennement et avec des interprètes différents selon les dates, on pourra aussi apprécier d’autres productions, à la même période à Nice, mais aussi l’an prochain à Strasbourg et Paris (reprise de la production présentée à Garnier en 2020). Une preuve, s’il en était besoin, du succès indémodable de Giselle.
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