Tout dernier ouvrage lyrique de Berlioz, Béatrice et Bénédict
(1862) reste peu monté et méconnu, du fait d’un livret indigent qui
réduit à peau de chagrin la plupart des péripéties de la comédie Beaucoup de bruit pour rien
de Shakespeare, dont il est tiré. Egalement auteur du livret, Berlioz
ne retient que le marivaudage entre les deux personnages principaux,
dont l’orgueil démesuré les empêche de s’avouer l’inéluctable, leur
amour. A partir de cette trame très mince, le compositeur tisse pourtant
une partition délicieuse d’invention mélodique et d’une finesse
d’orchestration en partie tournée vers le folklore sicilien (où se situe
l’action), qui exclut les emphases spectaculaires propres à d’autres
ouvrages.
Dès l’Ouverture, la facétie de Berlioz s’exprime à travers les bois
narquois, ici particulièrement mis en relief par la direction haute en
couleurs de Sascha Goetzel, malgré les cordes un rien trop acide de
l’Orchestre national des Pays de la Loire. Pour autant, l’énergie du
chef autrichien sait galvaniser ses troupes pour en tirer le meilleur,
prouvant une fois encore toute l’affinité de la formation avec la
musique de Berlioz (voir le récent concert consacré aux Nuits d’été
au Festival de La Chaise‑Dieu). Il est toutefois dommage que
l’articulation avec le plateau laisse parfois à désirer, en raison
surtout de tempi dantesques qui mettent à mal certains chanteurs – dont
le pourtant expérimenté Philippe Talbot (Bénédict), à bout de souffle
dans les passages rapides, ce qui pénalise sa puissance de projection.
Philippe Talbot et Marie-Adeline Henry |
Il reste bien entendu l’art des phrasés et la diction inégalable pour le
ténor français, mais on attendait mieux de lui dans ce rôle à sa
mesure. Lionel Lhote se distingue quant à lui dans les réparties
comiques dédiées au désopilant Somarone, caricature du mauvais chef de
chœur, même si ses intonations trop sonores sonnent parfois outrées. Si
Marc Scoffoni (Claudio) et Frédéric Caton (Don Pedro) assurent bien leur
partie, c’est davantage les femmes qui se distinguent. Malgré un air
d’entrée où elle a trop souvent recours au vibrato dans le suraigu,
Olivia Doray compose une touchante Héro, à la ligne de chant souple et
naturelle dans son duo (sommet de la partition qui semble suspendre le
temps) avec la solide Marie Lenormand (Ursule), toujours très investie
dramatiquement. Marie‑Adeline Henry (Béatrice) se montre un rien inégale
en comparaison, faisant valoir son timbre superbe dans les graves, à
même de faire oublier quelques passages de registre parfois chaotiques,
surtout vers l’aigu.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire