En ce début d’année, la recréation française d’Il primo omicidio (1707), l’un des plus fameux oratorios d’Alessandro Scarlatti (1660-1725),
est un événement à ne pas manquer. Alessandro Scarlatti reste
aujourd’hui davantage connu comme le père de son fils Domenico, célèbre
apôtre du clavier dont on a entendu l’été dernier l’intégrale des
sonates en concert dans toute l’Occitanie. Pour
autant, Alessandro Scarlatti fut l’un des compositeurs les plus
reconnus de son temps, en tant qu’héritier du grand Monteverdi et
annonciateur de la génération suivante, dont celle de Haendel.
René Jacobs
défend son vaste répertoire (deux fois plus d’opéras que Haendel, selon
le chef belge) depuis plusieurs années : on se souvient notamment de
son disque consacré, déjà, à Il primo omicidio (Harmonia Mundi, 1998) ou
encore de sa Griselda donnée au Théâtre des Champs-Elysées en 2000.
Invité pour la première fois à diriger à l’Opéra de Paris, le chef
flamand investit le Palais Garnier avec son attention coutumière, en
cherchant avant tout à réunir un plateau vocal d’une remarquable
homogénéité. Pas de stars ici, mais des chanteurs que le Gantois connaît
bien (comme Benno Schachtner et Thomas Walker,
avec lesquels il s’est produit récemment à Ambronay), tous prêts à se
plier aux moindres inflexions musicales du maître.
Il s’agit ici en effet de respecter l’esprit de l’ouvrage, un oratorio qui exclut toute virtuosité individuelle, afin de se concentrer sur le sens du texte : les récitatifs sont ainsi interprétés avec une concentration évidente, autour d’une prosodie qui prend le temps de délier chaque syllabe. D’où l’impression d’un René Jacobs plus serein que jamais, attentif à l’articulation des moindres inflexions musicales de Scarlatti, tout en prêtant un soin aux couleurs, ici incarnées par l’ajout bienvenu des cuivres, dont deux trombones. Le détail de l’orchestration, manquant, a été adapté à la jauge de Garnier, tout particulièrement le continuo soutenu avec ses deux orgues, deux clavecins, deux luths et une harpe.
Il s’agit ici en effet de respecter l’esprit de l’ouvrage, un oratorio qui exclut toute virtuosité individuelle, afin de se concentrer sur le sens du texte : les récitatifs sont ainsi interprétés avec une concentration évidente, autour d’une prosodie qui prend le temps de délier chaque syllabe. D’où l’impression d’un René Jacobs plus serein que jamais, attentif à l’articulation des moindres inflexions musicales de Scarlatti, tout en prêtant un soin aux couleurs, ici incarnées par l’ajout bienvenu des cuivres, dont deux trombones. Le détail de l’orchestration, manquant, a été adapté à la jauge de Garnier, tout particulièrement le continuo soutenu avec ses deux orgues, deux clavecins, deux luths et une harpe.
De quoi mettre en valeur la musique
toujours séduisante au niveau mélodique de Scarlatti, plus apaisée en
première partie, avant de dévoiler davantage de contrastes ensuite. Les
récitatifs sont courts, tandis que les airs apparaissent assez longs en
comparaison. Le plateau vocal ne prend jamais le dessus sur les
musiciens, recherchant une fusion des timbres envoûtante sur la durée :
toujours placés à la proximité de la fosse (quand ce n’est pas dans la
fosse elle-même au II), les chanteurs assurent bien leur partie, sans
défaut individuel. Ainsi du remarquable Dieu de Benno Schachtner, petite voix angélique d’une souplesse idéale dans ce répertoire, tandis que Robert Gleadow montre
davantage de caractère dans son rôle de Lucifer. S’il en va logiquement
de même pour les rôles de Caïn et Abel, très bien interprétés, on
mentionnera aussi l’excellence de l’Eve de Birgitte Christensen, aux couleurs admirables malgré des vocalises un rien heurtées, tandis que l’Adam de Thomas Walker démontre une classe vocale de tout premier plan.
On reste en revanche plus réservé quant à la mise en scène de Romeo Castellucci,
fort timide en première partie avec sa proposition visuelle peu
signifiante qui rappelle Mark Rothko dans les variations géométriques ou
Gerhard Richter dans les flous expressifs stylisés. On
se demande en quoi cette scénographie, splendide mais interchangeable,
s’adapte au présent ouvrage, avant que la deuxième partie n’éclaire
quelque peu sa proposition scénique. Comme il l’avait déjà fait pour ses
débuts à l’Opéra de Paris en 2015 avec Moïse et Aaron,
Romeo Castellucci s’interroge sur la dualité présente en chacun de nous
en convoquant sur scène des enfants chargés d’interpréter les rôles des
chanteurs – ces derniers restant dans la fosse avec l’orchestre.
L’une des plus belles images de la soirée
est certainement la réunion des doubles personnages, comme deux faces
d’une même personne enfin réconciliées, après avoir vécu l’expérience,
douloureuse mais fondatrice, de la perte de l’innocence du temps de
l’enfance. A cet effet, on ne manquera pas de lire le remarquable texte
de Corinne Meyniel, reproduit dans le livret conçu par l’Opéra national
de Paris, qui évoque la richesse des interprétations de ce mythe
universel. Enfin, la mise en scène n’en oublie pas de rappeler les
allusions christiques que certains exégèses catholiques ont voulu voir
dans le personnage d’Abel, tout en donnant à une Eve voilée, des allures
troublantes de Marie implorant son fils perdu. Curieusement,
Castellucci est moins convainquant au niveau visuel en deuxième partie,
notamment dans la gestion imparfaite des déplacements des enfants. Une
proposition en demi-teinte plutôt bien accueillie en fin de
représentation par le public, et ce malgré les quelques imperfections
mentionnées ci-avant.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire