Créée en 2012 au Komische Oper de Berlin, puis présentée l’année suivante à Düsseldorf, la production réjouissante du Xerxès
de Stefan Herheim n’a cessé d’être reprise dans ces deux villes depuis
lors: il s’agit en effet de l’une des plus grandes réussites du metteur
en scène norvégien, qui s’en donne à cœur joie pendant les trois actes
de cette comédie parmi les plus loufoques de Haendel. Comme à son
habitude, il s’appuie sur chaque mot pour revisiter le livret avec son
imagination féconde, tout en insistant avec à-propos sur la grivoiserie
de cette comédie encore tournée vers Shakespeare ou l’opéra vénitien.
L’intrigue y est riche, voire confuse, mais Herheim s’en saisit pour
dévoiler de nombreux gags qui fusent dans chaque scène, de la
frustration sexuelle de Xerxès (dont Herheim nous dévoile l’anagramme en
allemand: Sex Rex!) aux multiples jeux sur les vocalises (l’orgasme
bien sûr, mais aussi la fureur ou la frilosité), tout en offrant des
parodies bienvenues des décors baroques (splendide tempête au III avec
l’ensemble des choristes grimés en monstres marins). On retiendra dans
le même esprit la scène désopilante des multiples attentats ratés
d’Atalanta contre sa sœur, l’un des grands moments de la soirée.
Herheim nous emporte en une maestria visuelle où les décors, au moyen d’un plateau tournant, sont réinventés continuellement sous nos yeux, comme une déclaration d’amour à ce merveilleux métier. Comment ne pas rendre hommage, aussi, au soin apporté aux costumes, tous fidèles à l’esprit de l’époque mais discrètement modernisés? Pour autant, Herheim ne s’en tient pas aux aspects formels ou aux gags, aussi réussis soient-ils, et choisit la distanciation du théâtre dans le théâtre – le Roi et sa cour interprétant leur propre rôle avec force second degré et apartés. Dans cette optique, les récitatifs figurent la réalité, au contraire des airs, qui nous ramènent au théâtre.
Herheim nous emporte en une maestria visuelle où les décors, au moyen d’un plateau tournant, sont réinventés continuellement sous nos yeux, comme une déclaration d’amour à ce merveilleux métier. Comment ne pas rendre hommage, aussi, au soin apporté aux costumes, tous fidèles à l’esprit de l’époque mais discrètement modernisés? Pour autant, Herheim ne s’en tient pas aux aspects formels ou aux gags, aussi réussis soient-ils, et choisit la distanciation du théâtre dans le théâtre – le Roi et sa cour interprétant leur propre rôle avec force second degré et apartés. Dans cette optique, les récitatifs figurent la réalité, au contraire des airs, qui nous ramènent au théâtre.
Herheim parvient ainsi à donner davantage de crédibilité au livret, en faisant le portrait d’un monarque superficiel dont le seul but est de se divertir, sous les yeux de son peuple complice et avide de commenter les joutes amoureuses – comme un lointain ancêtre des lecteurs assidus de la presse people. En fin d’ouvrage, lassé des retournements de situation improbables de cette cour d’opérette, ce même peuple se révolte de manière symbolique en refusant les attributs du costume. Un spectacle total qui bénéficie d’un ensemble virtuose de talents réunis: on pourrait certainement voir un nouveau détail à chaque nouvelle représentation – preuve évidente, s’il en était besoin, que Herheim possède de l’imagination à revendre.
D’emblée, on se rend compte que le bouche à oreille a fonctionné à plein, tant la salle paraît remplie à craquer, avant d’offrir une ovation debout en fin de représentation. Il est vrai que l’énergie déployée sur scène a manifestement transcendé la fosse, très engagée pendant toute la soirée. Le chef Konrad Junghänel, bien connu en tant que fondateur du Cantus Cölln, déploie une énergie revigorante dans tous les pupitres, qui s’opposent avec vigueur, sans oublier des couleurs bienvenues, notamment au basson.
Annoncé souffrant, Valer Sabadus (Xerxès) nous ravit de sa délicate sensualité, offrant des trésors de subtilité à son chant harmonieux et bien placé. A ses côtés, l’autre contre-ténor Terry Wey (Arsamene), dont on aurait seulement aimé un timbre un peu plus différencié, assure bien sa partie. Heidi Elisabeth Meier (Romilda) impose quant à elle son émission souple et puissante, tandis qu’Anke Krabbe (Atalanta) joue admirablement la sœur pimbêche, au niveau vocal comme interprétatif. On mentionnera encore le superlatif Elviro de Hagen Matzeit, qui semble savoir tout faire dans son rôle, du travestissement vocal (quelle voix de tête!) aux intermèdes comiques savoureux. Mentionnons encore le Chœur de l’Opéra allemand du Rhin, très en forme, qui n’est pas pour rien dans la parfaite réussite de la soirée.
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