mardi 20 septembre 2022

« L'Eclair » de Fromental Halévy - Opéra de Genève - 18/09/2022

Parallèlement aux représentations de La Juive de Fromental Halévy (1799-1862), qui se poursuivent jusqu’au 28 septembre prochain, l’Opéra de Genève a eu la judicieuse idée de nous faire découvrir l’opéra-comique L’Eclair (1835), créé par Halévy dans la foulée du succès rencontré par La Juive. C’est là l’occasion de confronter le chef d’œuvre bien connu du Français avec un ouvrage on ne peut plus différent (aux dialogues ici raccourcis), mais tout aussi inspiré : loin des grandeurs tragiques du grand opéra (voir aussi La Reine de Chypre, exhumée par le Palazzetto Bru Zane en 2017), Halévy fait preuve d’une légèreté sautillante et raffinée dès l’ouverture, avec de nombreuses ruptures de ton malicieuses.


D’abord destiné à Adolphe Adam, qui abandonne le projet après l’écriture du premier acte, l’ouvrage est repris en totalité par un Halévy très en verve, qui se régale des courtes saynètes entre les quatre personnages, entrecroisées de mélodies tout aussi brèves, en une recherche de sonorités en lien avec les effets comiques du livret. Bien que très vite redondant, le livret touche au but en moquant la superficialité bourgeoise qui pense davantage à son intérêt matériel et aux apparences, au détriment de l’expression des sentiments. Si les femmes semblent en prendre seules pour leur grade dès le premier duo misogyne : « Pas de toilette, pas d’amour », les librettistes n’épargnent pas non plus le personnage de George, pour qui toute épouse en vaut une autre, en bon philosophe pragmatique ayant fait ses études à Oxford.

Très réussi, le premier acte se déroule sans temps mort, entre piquantes roucoulades et ravissant air du sommeil pour Lionel, avant le fameux éclair en contraste, lors d’une tempête aux effets sonores spectaculaires. Si les deux actes suivants se coulent davantage dans le moule attendu de la farce boulevardière, le raffinement de l’accompagnement orchestral donne toujours une hauteur de vue au propos. Il faut dire que la direction toujours précise et élégante de Guillaume Tourniaire, spécialiste de l’ancien élève d’Halévy, Saint-Saëns (voir notamment Hélène en 2008 et Ascanio en 2017, déjà à Genève) est un régal tout du long, à juste titre applaudi chaleureusement en fin de représentation. L’assistance est malheureusement un peu maigre pour l’occasion, ce que déplore le directeur Aviel Cahn en début de représentation, tout en annonçant que le rôle de Lionel est exceptionnellement incarné à deux voix, avec d’une part le chant pour Edgardo Rocha et de l’autre les dialogues parlés pour le comédien Leonardo Rafael.

Compte tenu de l’absence de surtitres (contrairement aux représentations de La Juive), on peut regretter le choix de deux chanteurs non francophones sur les quatre en présence. Quoi qu’il en soit, Edgardo Rocha assure crânement sa partie, faisant valoir une technique sure et fluide dans ce qui constitue le rôle le plus redoutable de la soirée. Parfois mis à mal dans les changements de registres, le ténor uruguayen compense une projection modeste par un engagement d’une expression dramatique soutenue. A ses côtés, la soprano canadienne Claire de Sévigné fait entendre un léger accent anglophone, mais séduit par sa grâce lumineuse, très touchante dans sa prière. Elle est toutefois plus en retrait dans les ensembles, où ses interventions manquent de caractère. Rien de tel en revanche pour la jubilatoire Mme Darbel d’Eléonore Pancrazi, à l’abattage scénique impayable dans les dialogues. La Française souffle davantage le chaud et le froid dans les parties vocales, avec une émission veloutée et parfaitement projetée, mais parfois au détriment du texte, trop approximatif. Plus grande satisfaction de la soirée, Julien Dran compose un George d’une aisance naturelle dans tous les registres (parlé ou chanté), mêlant ses qualités de comédien à une diction parfaite (bien qu’un peu nasale par endroit). Son éclat et sa vivacité ne sont pas pour rien dans le plaisir apporté à chacune de ses interventions, tout du long.

On retrouvera toute cette fine équipe au disque, Aviel Cahn ayant annoncé son enregistrement dans la foulée de cette représentation. A suivre.

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