Souvent réduit au style élégant des opéras-comiques qui lui assurèrent
le succès, André Grétry (1741‑1813) eut à cœur de prouver qu’il était
capable d’embrasser la veine sérieuse, cherchant l’inspiration à
mi‑chemin entre les ornementations virtuoses italiennes et la
déclamation dramatique d’un Gluck. Toutefois, son unique tragédie
lyrique Andromaque (1780) ne remporta pas le succès escompté,
Grétry semblant plus à l’aise dans l’expression en demi‑caractère des
ouvrages postérieurs tels que La Caravane du Caire (voir en 2022 à Tours) ou Richard Cœur de Lion (voir en 2019 à Versailles). En réalité, c’est surtout le livret d’Andromaque,
privé d’action dramatique, qui explique pourquoi cet ouvrage a été
laissé durablement de côté (et ce malgré un disque enregistré par Hervé
Niquet ici
en 2010, déjà avec Sébastien Guèze) : l’inspiration musicale, éloquente
et variée, reste un régal tout du long, donnant une grande place au
chœur, seul ou en soutien des ensembles avec solistes. Le Chœur lyrique
Saint-Etienne Loire, malgré quelques inévitables décalages dans les
parties enlevées, assure l’essentiel par son engagement et son
enthousiasme.
Très présent en première partie d’ouvrage, Sébastien Guèze (Pyrrhus) est
d’emblée à la peine du fait d’une tessiture aiguë qui le met
constamment à la limite de ses moyens : l’émission étroite l’empêche de
faire valoir son beau timbre, plus souverain dans les parties déclamées,
où son style raffiné fait mouche. C’est toujours là où le ténor
français excelle, malgré les soucis techniques évoqués plus haut. A ses
côtés, Yoann Dubruque (Oreste) donne une leçon de classe vocale par sa
ligne souveraine, bien aidé par sa voix bien posée et idéale de
souplesse. On aime plus encore les saisissantes Ambroisine Bré
(Andromaque) et Marion Lebègue (Hermione), au tempérament de feu, qui
rivalisent de fureur dans leurs rôles respectifs, à force d’émission
charnue et parfaitement articulée.
Fort heureusement, un maître de ce répertoire est dans la fosse en la personne de Giulio Prandi (voir notamment son intérêt pour les précurseurs italiens Davide Perez, Niccolò Jommelli ou Baldassare Galuppi) : pour sa première invitation à diriger un ouvrage lyrique en France, son art de doser les équilibres respecte à la fois l’esprit et la lettre des intentions de Grétry (qui demande notamment dans ses Mémoires de jouer lentement). Même si les sonorités des instruments modernes de l’Orchestre symphonique Saint‑Etienne Loire apparaissent trop doucereuses, Prandi se délecte de chaque nuance, toujours très bien étagée, sans jamais oublier le relief et le rebond rythmique en contraste.
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