C’est peu dire que le Palazzetto Bru Zane (PBZ) crée l’évènement en ce
début d’année en consacrant un coffret de plus dix heures de musique
entièrement dédié aux compositrices du « grand XIXe siècle »,
de Louise Farrenc à Nadia Boulanger – le PBZ ayant l’habitude de
déborder, ce dont on ne se plaint pas, de la stricte promotion du
répertoire de l’ère romantique. Pas moins de vingt et une compositrices à
découvrir ou redécouvrir pour accompagner Marie Jaëll (1846‑1925), qui
avait déjà eu l’honneur en 2016
d’un portrait entièrement dédié à sa musique. Le legs de l’Alsacienne
est à nouveau sollicité autour de nouveaux enregistrements, puisant
autant dans ses mélodies, sa musique de chambre ou symphonique – cette
dernière rappelant les fulgurances franckistes en un sens mélodique
affirmé, autant qu’une maîtrise éloquente de la forme. La splendide Symphonie en ut dièse mineur
de Charlotte Sohy (1887‑1955) puise aux mêmes sources, mais fascine
plus encore par la gravité de son inspiration, aux effluves mystérieux
et chatoyants. De quoi nous éloigner de l’image d’Epinal de
compositrices plus à l’aise dans les seules petites formes.
Ce serait évidemment méconnaître le tempérament volcanique d’Augusta
Holmès (1847‑1903), qui n’a pas à rougir de son admiration pour Wagner,
modèle assumé de ses élégiaques Contes divins et de son plus inégal Andromède.
Un autre grand nom se dégage, bien connu depuis plusieurs années déjà,
avec la figure de Mel Bonis (1858‑1937), dont la palette debussyste
impressionne à force de raffinement et d’esprit, et ce dans tous les
domaines. On ne présente plus Louise Farrenc (1804‑1875), dont l’élan
beethovenien bénéficie de la grâce aérienne de David Reiland, chef le
plus inspiré du coffret, avec Leo Hussain. Si la musique de Lili
Boulanger (1893‑1918) s’installe à juste titre au répertoire de la
plupart des grands orchestres, dans le monde entier, celle de sa sœur
Nadia reste à mieux connaître, notamment la majestueuse cantate La Sirène (1908).
Le coffret peut dérouter dans un premier temps par son refus assumé de
classer les différents morceaux entre eux, mélangeant les époques et les
styles de musique : on se fait peu à peu à ce parti pris qui brise les
repères pour inviter au lâcher prise, permettant de quitter
alternativement le brio symphonique pour embrasser l’art délicat de la
mélodie, souvent interprété par un Cyrille Dubois toujours idéal dans ce
répertoire, tandis que les œuvres de musique de chambre ravissent tout
autant par leur diversité et leur inventivité. Outre la qualité
superlative des prises de son, on se réjouit de retrouver la fine fleur
des meilleurs interprètes du moment, qui ne sacrifie jamais le style à
la ferveur. Assurément un grand Must à chérir pour longtemps !
Parce que la culture se conjugue sous plusieurs formes, il sera sujet ici de cinéma, de littérature, de musique, de spectacles vivants, selon l'inconstante fantaisie de son auteur
jeudi 27 avril 2023
« Vingt et une compositrices françaises » - Disque Palazzetto Bru Zane
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