Jean-Sébastien Bou |
Aujourd’hui complètement oublié malgré cinq symphonies et une trentaine
d’opéras composés tout au long de sa carrière, Etienne Nicolas Méhul
(1763-1817) pourrait être qualifié de véritable «Talleyrand du monde
musical». Originaire des Ardennes, il effectue ainsi à seulement quinze
ans ses premiers pas à Paris auprès de Gluck – alors protégé de la reine
Marie-Antoinette, avant de se rendre célèbre pendant la Révolution avec
le Chant du départ (1794), encensé par Robespierre. L’avènement
du Premier Empire ne ternit pas son aura, Méhul devenant en 1804 l’un
des premiers français à obtenir la Légion d’honneur (en même temps que
Gossec et Grétry), tandis que la Restauration lui offre une prestigieuse
nomination au Conservatoire. S’il fut habile en politique, sa musique a
néanmoins rapidement disparu des programmes de concert après sa mort,
et ce alors même qu’elle recueillait l’estime de Berlioz ou Wagner.
Fidèle à sa mission de promouvoir la musique romantique française, le Palazzetto Bru Zane a choisi cette année de faire revivre en version de concert l’opéra Uthal de Méhul, une œuvre de la maturité, créée en 1806 – un an tout juste avant son chef-d’œuvre, Joseph. Avec Uthal, Méhul allait surprendre ses contemporains par la suppression insolite des violons au profit des altos, et ce pour donner une teinte sombre à son orchestration, en lien avec les brumes romantiques de son histoire. Le compositeur français choisit en effet de s’intéresser aux poèmes, dits «gaéliques», du barde écossais Ossian (en réalité une supercherie littéraire élaborée par son «traducteur» James Macpherson), alors très en vogue dans toute l’Europe. Dès lors, Méhul convoque l’inévitable harpe afin de colorer son histoire (finalement peu originale) d’amoureux contrariés sur fond de conflit guerrier – Malvina désespérant de pouvoir épouser son cher Uthal, rival de son propre père.
Manifestement influencée par Gluck, l’orchestration de Méhul affiche une transparence toute française, installant des atmosphères assez austères habilement contrastées par la coloration subtile de bois très présents. Mais c’est surtout le plaisir de la déclamation qui surprend d’emblée: on reste saisi d’admiration devant cette éloquence bien portée par l’ensemble des interprètes ici réunis. Un plateau d’autant plus difficile à constituer que les chanteurs se doivent de réunir des qualités lyriques et dramatiques – de nombreuses parties parlées, sans compter les récitatifs, venant interrompre le discours musical. Peu d’airs, mais aussi un chœur uniquement masculin – l’opéra ne manque pas de surprises. Une autre, plus désagréable, tient à sa durée très courte (une heure) à laquelle les organisateurs auraient pu pallier en joignant par exemple une autre œuvre brève de Méhul, telle la cantate Ariane à Naxos composée en 1807 pour l’obtention du prix de Rome.
Ce concert express aura été l’occasion d’entendre la fine fleur du chant français actuel, à commencer par la figure rayonnante de Jean-Sébastien Bou, impressionnant de la première à la dernière note par son élocution idéale et sa force d’expressivité. La compréhension du texte s’avère un rien plus délicate avec Karine Deshayes, une difficulté heureusement compensée par ses qualités de projection et son engagement constants. A ses côtés, Yann Beuron affiche une superbe ligne de chant dans le rôle-titre, toujours parfaitement en place. Les seconds rôles superlatifs sont dominés par un excellent Philippe-Nicolas Martin, tandis que les forces masculines du Chœur de chambre de Namur font valoir leurs habituelles qualités de précision et de diction. On saluera enfin le travail de Christophe Rousset à la tête de son ensemble Les Talens Lyriques, toujours aussi équilibré dans son approche dynamique.
Fidèle à sa mission de promouvoir la musique romantique française, le Palazzetto Bru Zane a choisi cette année de faire revivre en version de concert l’opéra Uthal de Méhul, une œuvre de la maturité, créée en 1806 – un an tout juste avant son chef-d’œuvre, Joseph. Avec Uthal, Méhul allait surprendre ses contemporains par la suppression insolite des violons au profit des altos, et ce pour donner une teinte sombre à son orchestration, en lien avec les brumes romantiques de son histoire. Le compositeur français choisit en effet de s’intéresser aux poèmes, dits «gaéliques», du barde écossais Ossian (en réalité une supercherie littéraire élaborée par son «traducteur» James Macpherson), alors très en vogue dans toute l’Europe. Dès lors, Méhul convoque l’inévitable harpe afin de colorer son histoire (finalement peu originale) d’amoureux contrariés sur fond de conflit guerrier – Malvina désespérant de pouvoir épouser son cher Uthal, rival de son propre père.
Manifestement influencée par Gluck, l’orchestration de Méhul affiche une transparence toute française, installant des atmosphères assez austères habilement contrastées par la coloration subtile de bois très présents. Mais c’est surtout le plaisir de la déclamation qui surprend d’emblée: on reste saisi d’admiration devant cette éloquence bien portée par l’ensemble des interprètes ici réunis. Un plateau d’autant plus difficile à constituer que les chanteurs se doivent de réunir des qualités lyriques et dramatiques – de nombreuses parties parlées, sans compter les récitatifs, venant interrompre le discours musical. Peu d’airs, mais aussi un chœur uniquement masculin – l’opéra ne manque pas de surprises. Une autre, plus désagréable, tient à sa durée très courte (une heure) à laquelle les organisateurs auraient pu pallier en joignant par exemple une autre œuvre brève de Méhul, telle la cantate Ariane à Naxos composée en 1807 pour l’obtention du prix de Rome.
Ce concert express aura été l’occasion d’entendre la fine fleur du chant français actuel, à commencer par la figure rayonnante de Jean-Sébastien Bou, impressionnant de la première à la dernière note par son élocution idéale et sa force d’expressivité. La compréhension du texte s’avère un rien plus délicate avec Karine Deshayes, une difficulté heureusement compensée par ses qualités de projection et son engagement constants. A ses côtés, Yann Beuron affiche une superbe ligne de chant dans le rôle-titre, toujours parfaitement en place. Les seconds rôles superlatifs sont dominés par un excellent Philippe-Nicolas Martin, tandis que les forces masculines du Chœur de chambre de Namur font valoir leurs habituelles qualités de précision et de diction. On saluera enfin le travail de Christophe Rousset à la tête de son ensemble Les Talens Lyriques, toujours aussi équilibré dans son approche dynamique.
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