Parmi les compositeurs les plus célébrés en son temps, Giacomo Meyerbeer
fait aujourd’hui figure d’énigme, ses grands succès ne faisant que de
sporadiques réapparitions au gré de l’intérêt de célèbres metteurs en
scène et chanteurs: ainsi d’Olivier Py à Bruxelles en 2011, de Laurent Pelly à Londres en 2012, ou plus récemment
de Roberto Alagna à Berlin. Si ces initiatives isolées ne permettent
pas à Meyerbeer de s’ancrer au répertoire, cela tient à sa réputation
tenace de pompiérisme et de facilité, mais aussi du faste réputé coûteux
demandé par le grand opéra à la française. C’est en effet à Paris,
après ses réussites italiennes, que Meyerbeer obtint la consécration
avec seulement trois opéras: Robert le Diable (1831), Les Huguenots (1836) et Le Prophète (composé en 1841 mais seulement créé en 1849).
L’initiative d’une nouvelle production à Karlsruhe, autour du dernier grand succès parisien de Meyerbeer, est donc à saluer vivement, et ce d’autant plus qu’elle ne bénéficie pas de la locomotive d’un grand nom. Il n’était cependant pas question de confier à un débutant la mise en scène d’une œuvre aussi exigeante, ce qui explique le choix de Tobias Kratzer (né en 1980) et ses quelque dix ans d’expérience dans le domaine de l’opéra. En s’appuyant sur un ingénieux décor (unique pendant toute la représentation) à face double, le Bavarois propose une audacieuse transposition autour du contexte spécifique lié aux tensions urbaines en France. Alors que les voyous font la loi, le Comte Oberthal prends les habits du caïd local de mèche avec la police, tandis que se succèdent des scènes de vol en bande organisée, de viol par les policiers, ou la vente de Charlie Hebdo: Kratzer ne recule devant rien pour brosser un portrait apocalyptique – un rien caricatural mais sans doute représentatif d’une certaine vision Outre-Rhin – des banlieues françaises. Pour autant, sa transposition fonctionne bien, nous embarquant dans l’agitation d’une génération en perte de repères, prête à tomber dans les bras faussement accueillants d’un «prophète» autoproclamé. La fable n’en serait que plaisante si elle ne raisonnait pas autant avec la triste réalité de ces nombreux Français sensibles aux sirènes protéiformes du radicalisme.
Kratzer sait aussi ajouter quelques pointes d’humour bienvenues à sa mise en scène, du célèbre ballet des patineurs transformé en savoureuse performance hip-hop à l’éloquente scène finale de l’acte III où les fidèles reprennent courage grâce au prophète – la transposition nous montrant la réalisation maladroite et rocambolesque d’une allocution télévisée dans les conditions du direct, avec d’irrésistibles incrustations kitsch au moyen de la vidéo. Pas question cependant de tomber dans la pochade, le sérieux étant rapidement retrouvé dès lors que l’impact dramatique le nécessite. Ainsi de la scène saisissante où Berthe se suicide dans le parking souterrain, avant que l’ultime tableau ne nous emmène dans la fureur de la foule (excellente direction d’acteurs à cet égard) et du sacrifice spectaculaire du héros.
Le plateau vocal est dominée sans conteste par ses interprètes féminines, au premier rang desquelles l’incandescente Fidès d’Ewa Wolak, qui reçoit une ovation amplement méritée à l’issue de la représentation. Un tempérament généreux, magnifiquement incarné, qui bénéficie d’un timbre superbe de rondeur et de graves gorgés de soleil. Il ne faudra certes pas essayer de chercher à comprendre son français, souvent approximatif, même si ses différents acolytes ne se montrent pas davantage inspirés de ce point de vue. A ses côtés, Ina Schlingensiepen (Berthe) impose sa petite voix à la musicalité admirable et d’une fraîcheur irrésistible. Seul Marc Heller (Jean) vient gâcher la fête, recevant quelques huées – méritées – en fin de soirée. Bon interprète, il n’a manifestement pas l’étendue vocale suffisante pour affronter son rôle, gêné par un léger vibrato et un aigu resserré, presque étranglé. Fort heureusement, la fosse vient en partie compenser ce choix malheureux, proposant une variété de climats aussi à l’aise dans les verticalités dignes d’un Berlioz que dans les passages plus apaisés, apportant à ce spectacle réussi une direction fine et variée du plus bel effet.
L’initiative d’une nouvelle production à Karlsruhe, autour du dernier grand succès parisien de Meyerbeer, est donc à saluer vivement, et ce d’autant plus qu’elle ne bénéficie pas de la locomotive d’un grand nom. Il n’était cependant pas question de confier à un débutant la mise en scène d’une œuvre aussi exigeante, ce qui explique le choix de Tobias Kratzer (né en 1980) et ses quelque dix ans d’expérience dans le domaine de l’opéra. En s’appuyant sur un ingénieux décor (unique pendant toute la représentation) à face double, le Bavarois propose une audacieuse transposition autour du contexte spécifique lié aux tensions urbaines en France. Alors que les voyous font la loi, le Comte Oberthal prends les habits du caïd local de mèche avec la police, tandis que se succèdent des scènes de vol en bande organisée, de viol par les policiers, ou la vente de Charlie Hebdo: Kratzer ne recule devant rien pour brosser un portrait apocalyptique – un rien caricatural mais sans doute représentatif d’une certaine vision Outre-Rhin – des banlieues françaises. Pour autant, sa transposition fonctionne bien, nous embarquant dans l’agitation d’une génération en perte de repères, prête à tomber dans les bras faussement accueillants d’un «prophète» autoproclamé. La fable n’en serait que plaisante si elle ne raisonnait pas autant avec la triste réalité de ces nombreux Français sensibles aux sirènes protéiformes du radicalisme.
Kratzer sait aussi ajouter quelques pointes d’humour bienvenues à sa mise en scène, du célèbre ballet des patineurs transformé en savoureuse performance hip-hop à l’éloquente scène finale de l’acte III où les fidèles reprennent courage grâce au prophète – la transposition nous montrant la réalisation maladroite et rocambolesque d’une allocution télévisée dans les conditions du direct, avec d’irrésistibles incrustations kitsch au moyen de la vidéo. Pas question cependant de tomber dans la pochade, le sérieux étant rapidement retrouvé dès lors que l’impact dramatique le nécessite. Ainsi de la scène saisissante où Berthe se suicide dans le parking souterrain, avant que l’ultime tableau ne nous emmène dans la fureur de la foule (excellente direction d’acteurs à cet égard) et du sacrifice spectaculaire du héros.
Le plateau vocal est dominée sans conteste par ses interprètes féminines, au premier rang desquelles l’incandescente Fidès d’Ewa Wolak, qui reçoit une ovation amplement méritée à l’issue de la représentation. Un tempérament généreux, magnifiquement incarné, qui bénéficie d’un timbre superbe de rondeur et de graves gorgés de soleil. Il ne faudra certes pas essayer de chercher à comprendre son français, souvent approximatif, même si ses différents acolytes ne se montrent pas davantage inspirés de ce point de vue. A ses côtés, Ina Schlingensiepen (Berthe) impose sa petite voix à la musicalité admirable et d’une fraîcheur irrésistible. Seul Marc Heller (Jean) vient gâcher la fête, recevant quelques huées – méritées – en fin de soirée. Bon interprète, il n’a manifestement pas l’étendue vocale suffisante pour affronter son rôle, gêné par un léger vibrato et un aigu resserré, presque étranglé. Fort heureusement, la fosse vient en partie compenser ce choix malheureux, proposant une variété de climats aussi à l’aise dans les verticalités dignes d’un Berlioz que dans les passages plus apaisés, apportant à ce spectacle réussi une direction fine et variée du plus bel effet.
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