Santtu-Matias Rouvali |
Le phénomène Santtu-Matias Rouvali fait son retour au
festival de Radio France Occitanie Montpellier avec pas moins de deux
concerts, donnés cette fois avec “son” Orchestre de Tampere
(troisième ville de Finlande). Outre l’intérêt de découvrir cette
formation dans nos contrées, c’est aussi l’occasion de parfaire notre
connaissance de ce chef encensé par une critique quasi unanime,
notamment ici-même l’an passé ou plus récemment au disque.
Dès son entrée en scène pour le premier concert, l’aspect juvénile du
chef de 34 ans surprend, entre allure d’éternel adolescent et tignasse
flamboyante qui lui donne des faux-airs de … Simon Rattle. La battue est
un autre motif d’attention, tant le corps tout entier se fond dans une
sorte de ballet gracieux, aussi précis qu’énergique. Si la main droite
marque le tempo d’une régularité de métronome avec la baguette, c’est
davantage l’autre main qui passionne par la variété de ses intentions,
des attaques aux indications de nuances.
C’est peu dire que l’Orchestre de Tampere répond comme
un seul homme à Rouvali, qui semble imprimer la moindre de ses volontés
tout du long. L’ancien élève de Jorma Panula se saisit de l’ouverture de
l’opéra Maskarade (1906), en faisant
ressortir l’individualité des pupitres, sans jamais perdre de vue l’élan
narratif global. Il parvient ainsi à donner une cohérence à cette brève
page souvent oubliée de nos programmes de concert – même si la présence
à Montpellier du Danois Michael Schonwandt, grand spécialiste de
Nielsen, n’est sans doute pas étrangère à cette audace. Espérons que
d’autres compositeurs nordiques, tels que Madetoja ou Tubin, sauront
trouver le chemin des concerts montpelliérains, à l’instar du rare Concerto pour clarinette (2002) de Magnus Lindberg.
C’est là un grand plaisir que de retrouver cette oeuvre d’inspiration
post-romantique, qui semble rencontrer un bel accueil du public et
s’imposer logiquement au répertoire.
L’approche de Rouvali étonne avec un
tempo très lent au début (une constante que l’on retrouvera dans la
suite de la soirée lors des soli aux bois volontairement étirés), avant
de faire éclater une myriade de couleurs en un geste aérien et lumineux.
Le Finlandais n’hésite pas à jouer avec les tempi pour surprendre
l’auditoire, tout en faisant ressortir quelques détails de
l’orchestration. Sa direction évite ainsi toute lourdeur et place la
clarinette somptueuse de Jean-Luc Votano au premier
plan, en nous délectant de son aisance technique et de ses phrasés
radieux. Votano n’a pas son pareil pour se jouer des multiples sonorités
demandées par Lindberg (présent dans la salle et applaudi sur scène à
l’issue du concert), des bizarreries rugueuses aux emprunts jazzy façon
Gershwin ; sans parler de ce passage où la clarinette volontairement
inaudible ne laisse entendre qu’un léger tapoti sur les différents corps
de l’instrument. L’emphase reprend vite ses droits avec les nombreux et
brefs crescendos, développés en une intensité nerveuse et émotionnelle
qui rappelle souvent Lutoslawski. En bis, Jean-Luc Votano nous régale
d’un bel hommage à Manuel Falla, autour d’une assistance visiblement
réjouie.
Apres l’entracte, le public retrouve un répertoire mieux connu avec la Première symphonie (1899) de Sibelius,
qui raisonne en une lecture éloignée des influences romantiques, afin
de faire ressortir la légèreté diaphane de l’orchestration. Là encore,
le sens de l’élasticité cher à Rouvali soigne la mise en place tout en
proposant en contraste quelques fulgurances inattendues. Le premier
mouvement se termine dans une noirceur quasi immobile, avant le début
faussement doucereux de l’Andante, qui trouve une réponse énergique dans
la violence des cordes exacerbées. Le Scherzo éclate ensuite d’une
ivresse rythmique à la raideur glaçante, en un tempo vif et sans
vibrato. Un peu plus séquentiel, c’est là peut-être le mouvement le
moins réussi de cette superbe soirée. C’est dans le finale que Rouvali
montre une maitrise superlative, tout particulièrement dans les
dernières mesures ralenties, qui ne laissent aucune place à l’apothéose
attendue – dans la lignée d’un Kurt Sanderling. On a hâte de l’entendre
dans le mouvement conclusif de la Cinquième de Chostakovitch, où son
style péremptoire devrait faire là aussi merveille. Gageons que son
prochain engagement à la tête du Philharmonia de Londres, où il succède à
Salonen (un autre élève de Jorma Panula), saura le diriger vers ce type
d’ouvrages spectaculaires. En bis, Rouvali abandonne sa baguette pour
laisser l’orchestre s’emparer de la Valse triste de Sibelius,
en une vivacité de tempo et une expression des nuances toujours aussi
exaltantes, à même de conclure brillamment ce très beau concert.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire