samedi 18 février 2023

« La traviata » de Giuseppe Verdi - Opéra de Florence - 15/02/2023

Créée en 2021, la production de La Traviata imaginée par Davide Livermore revient à Florence, accueillie par une salle pratiquement pleine. Fidèle à l’ouvrage, la transposition dans la période agitée de 1968 trouve son illustration dans les différents slogans reproduits en français (« Sous les pavés, la plage »), bien loin des origines du drame, tiré de La Dame aux camélias d’Alexandre Dumas fils. Le fossé social entre les deux amoureux trouve ici une illustration plus familière, en montrant Violetta en artiste bohème, affairée à son studio de photographie au II. La scène des gitans est transformée en soirée arty qui célèbre l’Espagne entre Picasso, les danses traditionnelles et la corrida. La direction d’acteur cherche constamment à animer le plateau, mais sans grande originalité, si ce n’est dans la stylisation des saluts en fin de représentation (tout comme la veille pour le Doktor Faust de Busoni).

La soirée vaut avant tout pour le plateau vocal réuni, qui recueille des applaudissements nourris tout du long, particulièrement le Giorgio d’Amartuvshin Enkhbat (remplaçant en dernière minute Plácido Domingo), dont la noblesse de phrasé laisse pantois, sans parler de sa sûreté d’émission sur toute la tessiture, sans aucun effort apparent. Il est dommage que l’interprétation reste plus en retrait, mais c’est une conception du personnage qui se tient, sans excès ni fioritures. A ses côtés, Francesco Meli (Alfredo) impressionne par son engagement, imposant autant sa longueur de souffle que son sens des nuances, d’une redoutable virtuosité dans les sauts de registre. L’émission legato est un régal, avec une attention à la prononciation proche de l’idéale. Comme à son habitude, Aida Garifullina (Violetta Valéry) impressionne quand la voix est en pleine puissance, balayant tout sur son passage, entre sens des couleurs et incarnation vibrante. Elle est toutefois plus décevante dans le médium ou les vocalises, où l’articulation manque d’agilité. Tout le reste de la distribution affiche un excellent niveau, au premier rang la touchante Flora d’Ana Victória Pitts, tandis que le chœur montre sa maîtrise de la partition dans les grandes pages qui lui sont destinées, admirables de cohésion.


A rebours du pas lent par lequel il arrive dans la fosse, Zubin Mehta (né en 1936) montre toute sa connaissance de l’acoustique des lieux en allégeant la pâte orchestrale dans le soutien aux chanteurs pour mieux rugir ensuite lorsque ceux‑ci lui laissent le champ libre. Nommé chef honoraire à vie de l’Orchestre du Mai musical florentin, le chef surprend par sa conduite narrative, aux tempi mesurés, tout en créant des climats d’urgence inattendus jusque dans les parties en pianissimo, preuve de sa capacité à relancer le discours musical pour porter les couleurs du drame. Du grand art, applaudi debout par un public enthousiaste, au moment des saluts pour remercier le maestro, toujours au sommet.

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