Il est finalement peu de productions qui sonnent comme une évidence,
vous laissant littéralement sonné et ravi tout au long du spectacle :
ainsi de La Belle au bois dormant imaginée en 1987 par Márcia
Haydée pour le Ballet de Stuttgart et reprise depuis comme une traînée
de poudre à travers le monde. D’emblée, l’ancienne danseuse étoile
brésilienne affiche son intention de donner davantage d’épaisseur
dramatique au livret du deuxième ballet (1889) de Tchaïkovski : l’ajout
d’un rôle comique confié au Maître de cérémonie, farfelu et autocentré,
permet de se délecter de plusieurs saynètes piquantes en arrière‑plan,
parallèlement aux scènes dansées. Ce personnage, interprété par un
désopilant Mathias Deneux, permet ainsi d’offrir quelques moments de
respiration dans l’alternance un rien répétitive de divertissements
dansés au début, en brossant subtilement la frivolité et l’insouciance
des puissants, avant l’arrivée de Carabosse. Si l’on est peu sensible à
cet humour cocasse, il est possible de ne pas prêter attention à cette
« mouche du coche », qui ne prend jamais le pouvoir sur l’action
principale.
Toujours attentive aux moindres détails de l’inflexion musicale, Haydée
parvient à tisser un récit plus fourni entre les différents personnages,
notamment lors de la ronde des quatre prétendants d’Aurore, qui
rivalisent d’attention à son égard. La scène du quadruple baiser, puis
du quadruple salut, donne à voir toute l’imagination de la chorégraphe
dans l’exploration géométrique de l’espace, autour de nombreuses entrées
symétriques à contretemps, à l’élan virevoltant. C’est là l’occasion de
démontrer toute la virtuosité technique ébouriffante d’Ayaka Fujii en
Aurore, très touchante, avant son duo de grande classe avec le Prince
engagé de Patrick Holecek.
La dernière partie du spectacle est tout aussi réussie, en emportant le spectateur dans un festival de couleurs, à l’esprit bon enfant lors de la présentation des différents personnages de contes de fée. L’alternance de moments gracieux (splendide Oiseau bleu) et de passages comiques (entre Blanche‑Neige et ses sept « enfants nains » ou encore l’hilarant duo des chats) donnent une vitalité toujours soutenue.
Enfin, on se délecte tout du long de la mise en place « naturelle » du moindre élément de décor, le tout s’insérant naturellement dans le mouvement chorégraphique d’ensemble. Que dire, aussi, de l’exceptionnelle inventivité des costumes, qui osent des couleurs et matières inattendues (entre pastels, fleurs et dentelles), avec un goût exquis. De quoi ressortir avec des étoiles pleins les yeux, et ce d’autant plus que la direction de Václav Zahradník (hormis un début un peu trop vif) est un régal d’inventivité narrative, tout en fouillant les détails de la partition avec beaucoup d’esprit et de finesse.
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