Le merveilleux envahit Liège et on ne s’en plaindra pas ! Avant la reprise de La Flûte enchantée en décembre prochain, l’Opéra Royal de Wallonie-Liège nous régale d’une nouvelle production des Contes d’Hoffmann (1881), en partenariat avec les opéras de Lausanne et Tel Aviv.
Il faut courir découvrir ou redécouvrir le tout dernier ouvrage lyrique de Jacques Offenbach, qui démontre combien le plus allemand des compositeurs français a su rester inspiré jusqu’au soir de sa vie, en maître des mélodies entêtantes et irrésistibles. Si l’opéra est irrigué de plusieurs « tubes », dont la fameuse Barcarolle (au thème recyclé d’un précédent ouvrage, Les Fées du Rhin), Offenbach se montre plus sérieux qu’à l’accoutumée, la mode ayant changé après la défaite face aux Prussiens, en 1870. Le livret raconte en effet les amours imaginaires et tumultueux de l’écrivain E. T. A Hoffmann à travers plusieurs récits tirés de ses contes, qui font tous écho à la difficulté d’aimer.
La présence d’un personnage diabolique dans chacune d’entre elles donne une atmosphère fantastique et satirique toujours savoureuse, bien rendu par un Erwin Schrott très en verve, au français parfois exotique, mais qui fait valoir son timbre chaud, d’une belle résonance, tout du long. On aime aussi la ligne souple et aérienne d’Arturo Chacon-Cruz dans le rôle-titre, malgré un vibrato prononcé dans l’aigu et une projection un rien trop modeste. A l’applaudimètre, Jessica Pratt remporte tous les suffrages, s’imposant dans ses différents rôles avec un métier digne des plus grandes, entre précision de l’articulation et sens du théâtre. Les accélérations et les tessitures périlleuses des vocalises la montrent parfois à la limite de ses moyens, Pratt restant à son meilleur quand la voix est bien posée, en une puissance souvent dévastatrice.
Que dire, aussi, de la toujours épatante Julie Boulianne, d’une solidité technique sans faille sur toute la tessiture, à chaque fois au service du sens, tandis que les seconds rôles se montrent bien distribués, particulièrement le superlatif Valentin Thill (Spalanzani), que l’on aimerait entendre dans une prestation plus étoffée encore. Si le choeur, très applaudi en fin de représentation, assure bien sa partie, c’est peut-être plus encore la direction de Giampaolo Bisanti qui donne beaucoup de plaisir à force d’entrain rythmique et d’attention au plateau. Le sens des équilibres du directeur musical de l’Opéra royal de Wallonie-Liège (depuis déjà une saison) est un régal tout du long.
On regrette de ne pouvoir en dire autant de la mise en scène de Stefano Poda, certes cohérente, mais trop illustrative et répétitive sur la durée. Après son Faust réussi (ici-même en 2019), le metteur en scène italien séduit dans un premier temps par la révélation de son cabinet de curiosité monumental, qui embrasse toute la scène de sa majesté immaculée. L’adjonction de sept petits vitrines, où les femmes apparaissent enfermées comme autant de trophées, revient tout au long des trois actes, comme un leitmotiv finalement lassant. Poda peine également à revisiter son décor, unique pendant toute la représentation, même si la dernière scène finale, où le diable endosse à son tour les habits de la rédemption, constitue une image forte et inattendue. Trop peu, hélas, pour nous emporter pendant tout le spectacle, au-delà des qualités plastiques de sa proposition.
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