mercredi 15 novembre 2023

« La Flûte enchantée » de Mozart - Cédric Klapisch - Théâtre des Champs-Elysées à Paris - 14/11/2023

 

Parmi les curiosités très attendues de la saison au Théâtre des Champs-Élysées, la nouvelle production de La Flûte enchantée (1791) permet de découvrir les débuts du cinéaste Cédric Klapisch (né en 1961) dans le domaine lyrique. L’auteur d’Un air de famille (1996) et surtout de la trilogie initiée avec L’Auberge espagnole (2002) suit là le chemin de nombreux autres cinéastes avant lui, tels Luchino Visconti et William Friedkin, ou plus près de nous les Français Coline Serreau, Benoît Jacquot ou encore Christophe Honoré.

Si Cédric Klapisch a déjà flirté avec l’univers de la danse, en filmant un documentaire sur Aurélie Dupont en 2009, il ne s’est encore jamais confronté au spectacle vivant en tant que metteur en scène. Éloigné de tout artifice cinématographique, son travail se montre très fidèle à une lecture premier degré du livret, à même de ravir les spectateurs qui découvrent La Flûte enchantée. Les tenants d’une lecture plus fouillée en seront pour leur frais, notamment au niveau des allusions initiatiques à la franc-maçonnerie, largement absentes de cette proposition. Klapisch s’appuie sur les quelques vidéos, souvent projetées en arrière-scène pour opposer deux visions du monde, entre préservation de l’état originel de la nature (sans intervention humaine) et culte des bienfaits de la civilisation : c’est là une mise en miroir du récit initiatique qui conduit Papageno et Tamino de l’innocence à la conscience (évoquant l’allégorie de la caverne de Platon), tout en s’élevant par l’émulation, la fraternité et la connaissance.

Sa réflexion se nourrit d’une modernisation des dialogues (proposés en français) qui tente par l’humour de se mettre à distance des stéréotypes du livret, notamment son apologie du patriarcat. Pour autant, cette actualisation reste toujours bon enfant, sans jamais prendre le dessus sur la continuité de l’action théâtrale. Klapisch se concentre surtout sur la direction d’acteur, en donnant à chaque personnage des mimiques bien particulières pour accentuer son caractère – notamment le ballet fantomatique des trois suivantes qui insiste sur leur jalousie maladive. La scénographie minimaliste offre un spectacle très dépouillé, parfois un peu cheap, sans doute pour s’adapter aux moyens techniques plus réduits des autres scènes où se joue le spectacle (le Théâtre Impérial de Compiègne et l’Atelier Lyrique de Tourcoing). Dès lors, autant le recours à la vidéo qu’à la variété des éclairages, permet de limiter ces contraintes, toujours en lien avec l’objectif de vitalité dramatique. Au final, ce spectacle remporte un succès particulièrement enthousiaste dans les hauteurs du Théâtre des Champs-Elysées, où l’assistance est manifestement plus jeune, là où le public plus « établi », en contrebas, montre davantage de réserve.


Le plateau vocal réuni se montre globalement satisfaisant, à l’exception notable de la Reine de la nuit d’Aleksandra Olczyk : la soprano polonaise peine à maîtriser son instrument opulent dans les vocalises, tout en étant gênée par une tessiture limite dans le suraigu, occasionnant quelques détimbrages. On lui préfère grandement Regula Mühlemann, qui donne à sa Pamina des délices de raffinement dans l’émission souple et naturelle, toujours au service du texte. L’intelligence du chant se retrouve également dans les dialogues, où sa diction dans la langue de Molière est impressionnante de précision et de justesse. Que dire, aussi, des étourdissantes suivantes menées (quel luxe !) par Judith van Wanroij, qui offrent beaucoup de piquant à chacune de leurs interventions, à l’instar d’un Cyrille Dubois (Tamino) idéal dans ce répertoire à force de brio ductile, même si le timbre fatigue à quelques endroits, au cours de la soirée. Plus monolithique, Florent Karrer campe un solide Papageno au niveau technique, mais peine à animer la fantaisie populaire de son personnage. A ses côtés, Jean Teitgen et ses phrasés emprunts de noblesse apporte beaucoup de hauteur à son Sarastro, tandis que Marc Mauillon compose un roboratif Monostatos, à la limite du cabotinage, en lien avec les intentions de la mise en scène.

Si le chœur assure bien sa partie à force de cohésion, parfois un rien trop sonore, la direction de François-Xavier Roth se montre quant à elle plus convaincante dans l’accompagnement, avec un subtil étagement des plans sonores, par rapport à l’Ouverture martelée sans respiration et sans vibrato, aux cuivres grasseyants. On regrette toutefois l’ajout de bruits d’oiseaux pendant certains passages, venant inutilement souligner le propos narratif de la mise en scène.

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