Créée en 2015 à Turin, la production de Faust imaginée par Stefano Poda
a déjà fait halte à Lausanne (2016) et Tel Aviv (2017), avant la
reprise liégeoise de ce début d’année. Un spectacle événement à ne pas
manquer, tant l’imagination visuelle de Poda fait mouche à chaque
tableau au moyen d’un immense anneau pivotant sur lui-même et revisité
pendant tout le spectacle à force d’éclairages spectaculaires et variés.
Ce symbole fort du pacte entre Faust et Méphisto fascine tout du long,
tout comme le mouvement lancinant du plateau tournant habilement
utilisé.
On ne se lasse jamais en effet des tours
de force visuels de Poda, virtuose de la forme, qui convoque habilement
une pile désordonnée de livres anciens pour figurer la vieillesse de
Faust au début ou un arbre décharné pour évoquer la sécheresse de ses
sentiments ensuite. Très sombre, le décor minéral rappelle à plusieurs
reprises les scénographies des spectacles de Py, même si Poda reste dans
la stylisation chic sans chercher à aller au-delà du livret. Les enfers
sont placés d’emblée au centre de l’action, Poda allant jusqu’à
sous-entendre que le choeur est déjà sous la coupe de Méphisto lors de
la scène de beuverie au I : tous de rouges vêtus, les choristes se
meuvent de façon saccadée, à la manière de zombies, sous le regard
hilare de Méphisto. On gagne en concentration sur le drame à venir ce
que l’on perd en parenthèse légère et facétieuse.
Plus tard dans la soirée, Poda montrera
le même parti-pris frigide lors de l’intermède comique avec Dame Marthe,
très distancié, et ce contrairement à ce qu’avait imaginé Georges Lavaudant à Genève l’an passé.
Le ballet de la nuit de Walpurgis est certainement l’une des plus
belles réussites de la soirée, lorsque les danseurs, au corps presque
entièrement nu et peint en noir, interprètent une chorégraphie sauvage
et sensuelle, se mêlant et se démêlant comme un seul homme. Les
applaudissements nourris du public viennent logiquement récompenser un
engagement sans faille et techniquement à la hauteur. De quoi parachever
la vision totale de Stefano Poda, auteur comme à son
habitude de tout le spectacle (mise en scène, scénographie, costumes,
lumières…), même si l’on regrettera sa note d’intention reproduite dans
le programme de la salle, inutilement prétentieuse et absconse.
Le
plateau vocal réuni est un autre motif de satisfaction, il est vrai
dominé par un interprète de classe internationale en la personne d’Ildebrando d’Arcangelo,
déjà entendu ici en 2017 dans le même rôle de Méphisto (celui de La
Damnation de Faust de Berlioz). Emission puissante et prestance
magnétique emportent l’adhésion tout du long, avec une prononciation
française très correcte. Le reste de la distribution, presque
entièrement belge, permet de retrouver la délicieuse Marguerite d’Anne-Catherine Gillet,
meilleure dans les airs que dans les récitatifs du fait d’une diction
qui privilégie l’ornement au détriment du sens. Elle doit aussi gagner
en crédibilité dramatique afin de bien saisir les différents états d’âme
de cette héroïne tragique, surtout dans la courte scène de folie en fin
d’ouvrage. Quoi qu’il en soit, elle relève le défi vocal avec aplomb,
malgré ces réserves interprétatives. On pourra noter le même défaut chez
Marc Laho, trop monolithique, avec par ailleurs un
timbre qui manque de chair. Il assure cependant l’essentiel avec
constance, tandis que l’on se félicite des seconds rôles parfaits,
notamment le superlatif Wagner de Kamil Ben Hsaïn Lachiri.
Outre un chœur local en grande forme, on mentionnera la très belle prestation de l’Orchestre royal de Wallonie, dirigé par un Patrick Davin déchainé dans les parties verticales, tout en montrant une belle subtilité dans les passages apaisés. Un spectacle vivement applaudi en fin de représentation par l’assistance venue en nombre, que l’on conseille également chaleureusement.
Outre un chœur local en grande forme, on mentionnera la très belle prestation de l’Orchestre royal de Wallonie, dirigé par un Patrick Davin déchainé dans les parties verticales, tout en montrant une belle subtilité dans les passages apaisés. Un spectacle vivement applaudi en fin de représentation par l’assistance venue en nombre, que l’on conseille également chaleureusement.
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