samedi 9 mars 2024

« Gosse de riche » de Maurice Yvain - Pascal Neyron - Théâtre de l'Athénée à Paris - 08/03/2024

Il faut courir à l’Athénée pour applaudir la nouvelle production de la compagnie Les Frivolités Parisiennes, qui confirme là toute son affinité avec le répertoire de l’opérette et de la comédie musicale, de Reynaldo Hahn (O mon bel inconnu) à André Messager (Coups de roulis), en passant par Maurice Yvain (Là‑haut).

C’est précisément ce compositeur, emblématique de la période des Années folles, que l’on retrouve dans l’un de ses plus grands succès, Gosse de riche (1924). Tout du long, on se délecte de l’orchestration piquante réalisée pour la petite fosse du Théâtre Daunou, où l’ouvrage a été créé, même si l’absence de chef est parfois audible dans les attaques un rien trop doucereuses des Frivolités Parisiennes. Quoi qu’il en soit, la musique d’Yvain sait renouveler le genre pour embrasser des mélodies d’une fraîcheur guillerette, auxquelles il incorpore des rythmes de jazz ou des danses à la mode (la java, notamment).


Si l’ouvrage (sans chœurs) paraît musicalement moins ambitieux par rapport à Là‑haut (1923), il brille par son livret désopilant et ses dialogues aux réparties ironiques, parmi les meilleurs qu’il nous ait été donné d’entendre dans ce répertoire. Il faut pourtant s’accrocher au début pour digérer l’exposition un rien fastidieuse des enjeux entre les nombreux personnages, indispensable pour savourer la suite. Comment Colette, la « gosse de riche », va‑t‑elle réagir à la découverte de l’existence de sa rivale Nane, à la fois amante de son soupirant et de son père ? A cet imbroglio amoureux aux allures de vaudeville, les librettistes ont la bonne idée d’ajouter une baronne ruinée et haute en couleur, œuvrant pour ses finances comme pour le bien commun, en maîtresse de cérémonie délicieusement manipulatrice. Autre atout irrésistible, le personnage du faux mari Léon Mézaize, qui n’a pas son pareil pour jouer la mouche du coche dans des scènes où sa présence est incongrue !

Il fallait certainement toute la fantaisie débridée du metteur en scène Pascal Neyron (déjà acclamé en 2019 dans Le Testament de la tante Caroline de Roussel) pour rafraîchir les ficelles du vaudeville et leur donner une actualité toujours débordante de vitalité frémissante. C’est bien sur la direction d’acteur que s’appuie le travail de Neyron, qui caractérise ses personnages par de multiples détails, des postures d’ennui de la mère aux envolées aériennes des gestuelles de la Baronne, sans parler du joli cœur André Sartène, aux atouts physiques généreusement exposés d’emblée. La scénographie minimaliste oppose quant à elle l’intérieur sombre de l’atelier de Sartène au lumineux et fantasque manoir breton, où la plupart des nœuds de l’intrigue se nouent et se dénouent.

Si le livret moque l’opposition entre nobles désargentés et bourgeois nouveaux riches, il insiste sur l’inculture de la mère de Colette, incapable de se saisir des nouvelles tendances de l’art des années 1920. Dans cette veine, la mise en scène a l’intelligence d’étoffer le rôle de Lara Neumann (la Mère), en ajoutant une chanson bretonne en guise de happening salvateur pour ce personnage finalement touchant. De quoi marcher sur les pas de Michel Fau ou Jérôme Deschamps, déjà habitués de ses interludes inénarrables, toujours en lien avec l’esprit de l’ouvrage.

Toute la joyeuse troupe réunie est emmenée par l’énergie débordante de Lara Neumann et Marie Lenormand, à l’aisance scénique jubilatoire, toujours juste, de même que le lunaire Charles Mesrine (Léon Mézaize). Si Aurélien Gasse (André Sartène) a pour lui un très beau timbre et une articulation précise, il lui manque un rien de conviction dramatique pour nous emporter davantage dans son rôle. A ses côtés, Amélie Tatti (Colette Patarin) pétille dans chacune de ses intentions, malgré une projection réduite, tandis que Philippe Brocard (Achille Patarin) impose sa présence sonore et généreuse, tout du long. Un plateau vocal de très belle tenue, dont on ne doute pas qu’il va encore gagner en cohésion ravageuse, au fil des prochaines représentations.

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