Albert Roussel (1869-1937) fait partie de ces compositeurs dont on ne
s’explique pas pourquoi les chefs les plus éminents ne défendent pas
davantage son œuvre: ainsi des quatre Symphonies et plus encore des deux ballets Le Festin de l’araignée (1913) et Bacchus et Ariane
(1930), qui devraient figurer régulièrement au répertoire de tous les
orchestres français, à tout le moins, à l’instar du très beau concert
donné par l’Orchestre philharmonique de Radio France en 2016. Si l’opéra-ballet Padmâvatî (1918) reste une curiosité rarement revisitée (voir la production donnée au Châtelet en 2008), que dire de l’opérette Le Testament de la tante Caroline (1933), à laquelle seul l’Opéra de Düsseldorf a su s’intéresser ces dernières années, en version allemande?
Il est vrai que l’on attend guère Roussel dans le répertoire de l’opérette, et ce d’autant plus que le double échec de la création de l’ouvrage en 1936 à Olomouc (une création dans la sixième ville la plus peuplée de l’actuelle République tchèque sans doute permise par son ancien élève Martinů), puis à l’Opéra-Comique l’année suivante, n’invite guère à exhumer cette rareté. Pour autant, le compositeur français d’origine roumaine Marcel Mihalovici eut la bonne idée d’en réaliser une version écourtée en un acte, d’environ une heure et demie, afin de permettre une reprise plus fréquente de l’ouvrage. C’est précisément la version choisie par Les Frivolités Parisiennes, qui permet de découvrir cette pépite délicieuse, dotée d’un livret aussi efficace que féroce, mêlant ironie et humour noir avec force jeux de mots et allusions. On le doit à Nino, (pseudonyme de Michel Veber), un librettiste de talent qui travailla pour son beau-frère Jacques Ibert ou pour Manuel Rosenthal notamment, à qui l’on peut seulement reprocher des dialogues trop bavards dans les airs et ensembles. Roussel fait quant à lui crépiter son orchestre imaginatif et varié comme un acteur à part entière de la farce, mettant souvent en avant la verve rythmique et piquante des vents.
Si le portrait au vitriol des héritiers voraces fait immanquablement penser à Gianni Schicchi (1918), le livret s’engage avec bonheur dans la comédie de boulevard, moquant volontiers la bourgeoisie pour défendre le petit peuple: c’est ainsi que la jeune et naïve servante Lucine se retrouve propulsée au centre de l’action, bénéficiant des seuls airs individuels dévolus aux différents interprètes – à l’exception notable de l’air confié à la nièce bigote Béatrice, qui lui permet de fendre le masque en fin d’ouvrage. Cette dernière est incarnée par une émouvante Marie Lenormand, qui offre une vérité théâtrale saisissante à son rôle, tout en assurant bien sa partie au niveau vocal. Marie Perbost (Lucine) ne le lui cède en rien dans les qualités dramatiques, imposant son beau caractère sans jamais forcer, et ce grâce à son émission souple et veloutée. A ses côtés, Fabien Hyon compose un Noël investi et convainquant, tandis que Marion Gomar (Christine) et Till Fechner (Maître Corbeau) frappent par le naturel impayable de leur tempérament comique, et ce pour le plus grand bonheur de l’assistance. Tout le reste de la troupe est à la hauteur, donnant une belle cohésion aux nombreux ensembles.
Le spectacle bénéficie aussi grandement de la mise en scène survitaminée de Pascal Neyron, qui n’a pas son pareil pour nous plonger dans un univers glamour que n’aurait pas renié Fassbinder, le tout en une scénographie minimaliste qui revisite astucieusement le peu de décors et accessoires en un ballet virevoltant. Les interprètes restent toujours très sollicités en un sens du détail minutieux d’humour, même lorsqu’ils n’ont aucun texte à dire ou chanter, apportant une vitalité d’ensemble particulièrement bienvenue. Neyron se permet aussi quelques libertés opportunes dans la scène introductive, lorsque le cercueil de Caroline manque d’assommer les musiciens de la fosse d’orchestre (qui entonnent l’Ave verum corpus de Mozart) ou lorsque le chef habillé en curé se tourne vers la salle pour la faire lever comme à l’office. Très engagés, Dylan Corlay et l’Orchestre des Frivolités Parisiennes ne comptent pas leurs efforts pour parfaire la réussite de cette belle soirée, qui réserve des applaudissements nourris et enthousiastes en fin de représentation: de quoi conseiller vivement ce spectacle donné dans le cadre intimiste toujours aussi idéal de l’Athénée.
Il est vrai que l’on attend guère Roussel dans le répertoire de l’opérette, et ce d’autant plus que le double échec de la création de l’ouvrage en 1936 à Olomouc (une création dans la sixième ville la plus peuplée de l’actuelle République tchèque sans doute permise par son ancien élève Martinů), puis à l’Opéra-Comique l’année suivante, n’invite guère à exhumer cette rareté. Pour autant, le compositeur français d’origine roumaine Marcel Mihalovici eut la bonne idée d’en réaliser une version écourtée en un acte, d’environ une heure et demie, afin de permettre une reprise plus fréquente de l’ouvrage. C’est précisément la version choisie par Les Frivolités Parisiennes, qui permet de découvrir cette pépite délicieuse, dotée d’un livret aussi efficace que féroce, mêlant ironie et humour noir avec force jeux de mots et allusions. On le doit à Nino, (pseudonyme de Michel Veber), un librettiste de talent qui travailla pour son beau-frère Jacques Ibert ou pour Manuel Rosenthal notamment, à qui l’on peut seulement reprocher des dialogues trop bavards dans les airs et ensembles. Roussel fait quant à lui crépiter son orchestre imaginatif et varié comme un acteur à part entière de la farce, mettant souvent en avant la verve rythmique et piquante des vents.
Si le portrait au vitriol des héritiers voraces fait immanquablement penser à Gianni Schicchi (1918), le livret s’engage avec bonheur dans la comédie de boulevard, moquant volontiers la bourgeoisie pour défendre le petit peuple: c’est ainsi que la jeune et naïve servante Lucine se retrouve propulsée au centre de l’action, bénéficiant des seuls airs individuels dévolus aux différents interprètes – à l’exception notable de l’air confié à la nièce bigote Béatrice, qui lui permet de fendre le masque en fin d’ouvrage. Cette dernière est incarnée par une émouvante Marie Lenormand, qui offre une vérité théâtrale saisissante à son rôle, tout en assurant bien sa partie au niveau vocal. Marie Perbost (Lucine) ne le lui cède en rien dans les qualités dramatiques, imposant son beau caractère sans jamais forcer, et ce grâce à son émission souple et veloutée. A ses côtés, Fabien Hyon compose un Noël investi et convainquant, tandis que Marion Gomar (Christine) et Till Fechner (Maître Corbeau) frappent par le naturel impayable de leur tempérament comique, et ce pour le plus grand bonheur de l’assistance. Tout le reste de la troupe est à la hauteur, donnant une belle cohésion aux nombreux ensembles.
Le spectacle bénéficie aussi grandement de la mise en scène survitaminée de Pascal Neyron, qui n’a pas son pareil pour nous plonger dans un univers glamour que n’aurait pas renié Fassbinder, le tout en une scénographie minimaliste qui revisite astucieusement le peu de décors et accessoires en un ballet virevoltant. Les interprètes restent toujours très sollicités en un sens du détail minutieux d’humour, même lorsqu’ils n’ont aucun texte à dire ou chanter, apportant une vitalité d’ensemble particulièrement bienvenue. Neyron se permet aussi quelques libertés opportunes dans la scène introductive, lorsque le cercueil de Caroline manque d’assommer les musiciens de la fosse d’orchestre (qui entonnent l’Ave verum corpus de Mozart) ou lorsque le chef habillé en curé se tourne vers la salle pour la faire lever comme à l’office. Très engagés, Dylan Corlay et l’Orchestre des Frivolités Parisiennes ne comptent pas leurs efforts pour parfaire la réussite de cette belle soirée, qui réserve des applaudissements nourris et enthousiastes en fin de représentation: de quoi conseiller vivement ce spectacle donné dans le cadre intimiste toujours aussi idéal de l’Athénée.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire