On doit à l’infatigable curiosité de René Jacobs, alors directeur
artistique du festival d’Innsbruck, d’avoir su remettre au goût du jour
la musique de Reinhard Keiser (1674-1739) à l’occasion de l’édition
remarquée, en 2000, d’un enregistrement de son opéra Croesus (Harmonia Mundi). L’actuel directeur du festival, Alessandro de Marchi, nous propose cette année La Généreuse Octavia
(1705), l’un des huit opéras de Keiser encore conservés de nos jours,
sur un total de plus de soixante-dix composés pendant sa longue carrière
essentiellement hambourgeoise. Comme chaque année (voir notamment le
Cesti donné en 2016),
il revient à de jeunes interprètes, sur les planches comme à
l’orchestre, de parfaire en public leur aptitude aux codes baroques dans
le cadre idéal de la cour de la faculté de théologie, à l’acoustique
très appréciable pour des conditions en plein air. Le surtitrage proposé
en allemand permet aux germanophones de pleinement suivre l’action d’Octavia, singspiel écrit essentiellement dans la langue de Goethe – certains passages ayant recours à l’italien ou... au français.
Le défi pour ces jeunes pousses est à la hauteur de cet opéra écrit dans le style vénitien de Cavalli, mêlant le drame individuel d’Octavia avec moult complots et querelles politiques autour de son mari l’empereur Néron, tandis que les intrigues secondaires multiples – d’une truculence digne des comédies de Shakespeare – s’appuient sur les pas moins de onze interprètes réunis. On jugera aussi de l’importance de cet ouvrage aux conditions de sa création, Keiser ayant voulu répondre au Néron (malheureusement perdu) composé la même année par son rival Haendel: la musique, d’une inventivité constante, s’appuie ainsi sur une orchestration particulièrement riche (notamment les vents), tandis que les récitatifs assez courts s’enchainent harmonieusement avec de tout aussi brefs airs – ces derniers étant plus développés dans la seconde partie, globalement plus sombre de l’ouvrage.
La mise en scène de François de Carpentries, dont les habitués de l’Opéra de Tours pourront découvrir le savoir-faire en octobre prochain avec Rigoletto, met l’ensemble des interprètes au cœur de l’action grâce aux nombreux sous-textes ajoutés ici et là: les attitudes narquoises et les jeux de regard ajoutent beaucoup à l’opéra, tandis que tous les interprètes se retrouvent fréquemment sur scène alors même qu’ils ne chantent pas, comme s’ils jouaient à se moquer des aventures de Néron ici présentées. La constante manipulation des panneaux de décors à l’ancienne participe également de cette évocation simple mais efficace d’un jeu d’illusions commun.
L’autre grande satisfaction de la soirée vient avec le plateau vocal réuni, quasiment parfait. Si l’on peut oublier le pâle Piso de Camilo Delgado Diaz ou le Fabius maladroit d’Akinubo Ono, c’est le Néron impeccable d’articulation et de souplesse de Morgan Pearse, tout autant que de force de conviction, qui emporte l’adhésion générale. Suzanne Jerosme (Octavia) n’est pas en reste avec son aigu solaire et ses couleurs admirables, même si elle se montre un rien en dessous dans les récitatifs, avec un positionnement de voix parfois instable. Federica di Trapani (Flora, Ormoena) fait valoir sa petite voix agile, avec quelques manques de substance par endroit, mais c’est plus encore Yuval Oren qui s’impose dans son rôle de Livia à force de fraîcheur et d’excellence dans l’interprétation. Robyn Allegra Parton (Clelia) se distingue également par son timbre gracieux et son aisance aérienne, particulièrement notable dans l’aigu. On mentionnera encore les beaux graves de Paolo Marchini (Seneca), qui n’évite pas, cependant, quelques décalages avec l’orchestre.
Le défi pour ces jeunes pousses est à la hauteur de cet opéra écrit dans le style vénitien de Cavalli, mêlant le drame individuel d’Octavia avec moult complots et querelles politiques autour de son mari l’empereur Néron, tandis que les intrigues secondaires multiples – d’une truculence digne des comédies de Shakespeare – s’appuient sur les pas moins de onze interprètes réunis. On jugera aussi de l’importance de cet ouvrage aux conditions de sa création, Keiser ayant voulu répondre au Néron (malheureusement perdu) composé la même année par son rival Haendel: la musique, d’une inventivité constante, s’appuie ainsi sur une orchestration particulièrement riche (notamment les vents), tandis que les récitatifs assez courts s’enchainent harmonieusement avec de tout aussi brefs airs – ces derniers étant plus développés dans la seconde partie, globalement plus sombre de l’ouvrage.
La mise en scène de François de Carpentries, dont les habitués de l’Opéra de Tours pourront découvrir le savoir-faire en octobre prochain avec Rigoletto, met l’ensemble des interprètes au cœur de l’action grâce aux nombreux sous-textes ajoutés ici et là: les attitudes narquoises et les jeux de regard ajoutent beaucoup à l’opéra, tandis que tous les interprètes se retrouvent fréquemment sur scène alors même qu’ils ne chantent pas, comme s’ils jouaient à se moquer des aventures de Néron ici présentées. La constante manipulation des panneaux de décors à l’ancienne participe également de cette évocation simple mais efficace d’un jeu d’illusions commun.
L’autre grande satisfaction de la soirée vient avec le plateau vocal réuni, quasiment parfait. Si l’on peut oublier le pâle Piso de Camilo Delgado Diaz ou le Fabius maladroit d’Akinubo Ono, c’est le Néron impeccable d’articulation et de souplesse de Morgan Pearse, tout autant que de force de conviction, qui emporte l’adhésion générale. Suzanne Jerosme (Octavia) n’est pas en reste avec son aigu solaire et ses couleurs admirables, même si elle se montre un rien en dessous dans les récitatifs, avec un positionnement de voix parfois instable. Federica di Trapani (Flora, Ormoena) fait valoir sa petite voix agile, avec quelques manques de substance par endroit, mais c’est plus encore Yuval Oren qui s’impose dans son rôle de Livia à force de fraîcheur et d’excellence dans l’interprétation. Robyn Allegra Parton (Clelia) se distingue également par son timbre gracieux et son aisance aérienne, particulièrement notable dans l’aigu. On mentionnera encore les beaux graves de Paolo Marchini (Seneca), qui n’évite pas, cependant, quelques décalages avec l’orchestre.
Jörg Halubek |
L’expérimenté Jörg Halubek (né en 1977) dirige du clavecin un excellent
Barockensemble:Jung, toujours attentif à la respiration et à
l’expression des couleurs de ce singspiel savoureux, pour le grand
bonheur du public ravi à l’issue de la représentation.
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